By | 10 janvier 2022

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Giovanni Pizzorusso [1]
Università G. d’Annunzio, Chieti-Pescara

Résumé : Le présent article analyse la stratégie de communication de Valignano, grand Visiteur du Japon, lors de l’ambassade Tenshō. Très nourri de l’humanisme renaissant, sensibilisé aux rapports subtils de la politique et des comportements de cour par Il cortegiano de Castiglione, Valignano s’applique à entretenir la réciprocité dans l’échange interculturel. Soucieux de l’adaptation du missionnaire aux mœurs de son terrain, il veille à garder la balance entre l’observation attentive mais point trop fascinée des mœurs locales et l’affirmation univoque de la supériorité de la foi et du monde chrétien. Pédagogue, il construit De missione sur la rhétorique du dialogue classique et fait des Japonais, et non pas des jésuites, les vecteurs de l’information sur le Japon. Valignano anticipe ainsi la communication interculturelle.
Mots-clés : Valignano, Castiglione, Acquaviva, Cortegiano (Il), dialogue, De missione, XVIe siècle, Japon

Título: De Missione en la estrategia misionera y la comunicación cultural de Alessandro Valignano
Resumen: Este trabajo analiza la estrategia comunicativa de Valignano, el gran visitante de Japón, durante la embajada de Tenshō. Muy alimentado por el humanismo renacentista, sensibilizado con las sutiles relaciones de la política y los comportamientos cortesanos por Il cortegiano de Castiglione, Valignano se aplicó a mantener la reciprocidad en el intercambio intercultural. Preocupado por la adaptación del misionero a las costumbres de su tierra, se preocupó por mantener el equilibrio entre la observación atenta – pero sin excesiva fascinación – de las costumbres locales y la afirmación unívoca de la superioridad de la fe y del mundo cristiano. Como pedagogo, construyó el De missione sobre la retórica del diálogo clásico e hizo de los japoneses, y no de los jesuitas, los vectores de la información sobre Japón. Valignano anticipa de esta forma la comunicación intercultural.
Palabras clave
: Valignano, Castiglione, Acquaviva, Cortegiano (Il), diálogo, De missione, siglo XVI, Japón

Title: De Missione in the missionary strategy and cultural communication of Alessandro Valignano
Abstract: This article analyses the communication strategy of Valignano when organizing the Tensho Embassy. Valignano was very much nourished by the Renaissance humanism, and discovered the subtle relationships between politics and courtly behaviour by Il cortegiano of Castiglione. Hence he endeavours to maintain reciprocity in intercultural exchange. Concerned with the missionary’s adaptation to its field’s customs, he manages to maintain a balance between an attentive but not overly fascinated observation of local customs and the unequivocal affirmation of the superiority of the faith and the Christian world. As a pedagogue, he writes De missione according to the rhetoric of classical dialogue and turns the Japanese envoys, and not the Jesuits, into vectors of the knowledge to be transmitted to Japan, thus anticipating intercultural communication.
Keywords: Valignano, Castiglione, Acquaviva, Cortegiano (Il), dialogue, De missione, 16th century, Japan

Pour citer cet article – To cite this article : Pizzorusso, Giovanni, 2022, « Le De Missione dans la stratégie missionnaire et la communication culturelle d’Alessandro Valignano », Numéro thématique L’ambassade Tenshō, entre croisements interculturels et entreprise médiatique, coord. par Michel Boeglin, Marie-P. Noël & Gérard Siary, CECIL – Cahiers d’études des cultures ibériques et latino-américaines, no 8 (2022), <https://cecil-univ.eu/c8_2> mis en ligne le 2/01/2022, consulté le jj/mm/aaaa, DOI: https://doi.org/10.21409/c8_2.

Reçu le– Received : 14/09/2020
Accepté le – Accepted : 08/11/2021

Introduction

  1. Le présent article examine le De Missione Legatorum Iaponensium ad Romanam Curiam Rebusque in Europa ac toto itinere animadversis Dialogus […], publié à Macao en 1590, dans le contexte de la stratégie missionnaire de son auteur, Alessandro Valignano (Chieti, 1539-Macao, 1606), visiteur des missions jésuites des Indes orientales. Je me suis orienté surtout vers l’aspect historique de la mission pour mettre en évidence le croisement des cultures avant la lettre promu par le jésuite dans sa stratégie de communication[2]. Valignano développa cette stratégie lors de son premier séjour au Japon, surtout entre 1580 et 1582. Selon lui, l’action apostolique n’aboutirait que sur la base d’une connaissance mutuelle, en établissant la communication entre la culture du Japon, destination de l’effort missionnaire, et celle de l’Europe, en particulier l’Europe catholique (Portugal, Espagne, Italie, mais surtout Rome et la papauté).
  2. Fort de cette conviction, Valignano prend deux initiatives à peu près contemporaines. D’abord, la rédaction du Cérémoniel (Advertimientos e avisos acerca dos costumes e catangues de Jappão, écrit en octobre 1581), qui fixe les attitudes à observer pour que la société du Japon accepte et respecte les missionnaires[3]. Ensuite, de 1582 à 1590, l’organisation d’un voyage en Europe, d’une délégation de jeunes Japonais, fils de daimyō (seigneurs) chrétiens du Kyūshū, pour leur en faire visiter villes et cours et voir de leurs propres yeux les réalités de l’Église catholique romaine en tant qu’institution centrale de diffusion de foi chrétienne. À l’époque ce voyage fut immédiatement considéré comme une véritable ambassade, que soit en Europe, où les jeunes gens furent accueillis en légats auprès du pape et des princes, ou au Japon, où ledit voyage est dénommé ambassade Tenshō. Selon le dessein de Valignano, à leur retour au Japon, ils étaient censés rapporter leur expérience édifiante de la grandeur de l’Europe et surtout du pape et de sa cour romaine et exalter par là même temps la religion catholique à laquelle ils adhéraient. De cette expérience directe allait naître un livre : De missione. Donc, même s’il ne fut publié à Macao qu’en 1590, cet ouvrage était déjà bien planifié lors du départ de la mission Tenshō et étroitement lié à la stratégie de Valignano[4].

1. Alessandro Valignano

  1. L’élaboration de cette vaste stratégie, qui prévoit la circulation entre des continents lointains non seulement d’informations, mais aussi de personnes, est due à la perspicacité politique du jésuite Valignano. Rappelons ici les aspects de sa formation, qui montrent combien il est familier du pouvoir et des institutions[5]. Il descend d’une illustre famille de Chieti qui a donné à la ville un évêque important au XVesiècle (Colantonio Valignano), puis maintenu des siècles durant, avec une fortune foncière considérable, une position de primauté et de prestige dans les charges civiles (le camerlengo) et religieux de la ville. En 1557, à 18 ans, Valignano obtient son doctorat en droit à l’université de Padoue, centre de l’aristotélisme italien. La famille Valignano est bien introduite à la Curie romaine, grâce à ses contacts avec les papes d’alors : Paul IV (1555-59), l’ancien évêque de Chieti Gian Pietro Carafa, bien connu du père de Valignano, et Pie IV Gian Angelo Medici (1559-1565). Deux cardinaux, neveux de ce dernier, aideront le jeune Alessandro. L’un, Carlo Borromeo, intervient dans une situation difficile où Alessandro fut mis en prison, puis banni de la République vénitienne. L’autre, Marco Sittico Altemps, l’emmène avec lui à Rome comme auditeur. Alessandro a donc l’expérience directe de la Curie papale et partagea en même temps l’éducation noble et la culture humaniste présentes au sein de la Compagnie de Jésus. Dans les années 1560, il approfondit sa vocation, entre au Collège romain en 1566 à 27 ans et prononce ses vœux perpétuels en 1573. Durant sa brève formation, il est aussi recteur du Collège de Macerata et finit par acquérir une compétence de gouvernance, qui le fait connaître à ses supérieurs au point que le général de la Compagnie, le Flamand Everard Mercurian, le nomme à 34 ans Visiteur aux Indes orientales (août 1573). Leadership politique sur un vaste territoire, dont Valignano, malgré son expérience encore limitée, saura évidemment s’acquitter[6].
  2. Son parcours est similaire à celui du général Claudio Acquaviva, dont le mandat s’étend de 1581 à 1615. Depuis l’Asie, Valignano entretient avec lui un contact permanent, dont une correspondance de plus de 200 lettres[7]. Né aussi dans les Abruzzes à Atri, de quatre ans plus vieux que Valignano, issu d’une famille noble de haute lignée, Acquaviva étudie le droit à l’université de Pérouse. Entré à la Compagnie à 24 ans, il en devient le préposé général à 37 ans[8]. Acquaviva, l’un des administrateurs les plus réputés de l’histoire de la Compagnie, a la même formation et mentalité d’aristocrate que Valignano. L’un de ses proches est Rodolfo Acquaviva, missionnaire mort à Salsette en Inde, dont le même Valignano relate le martyre en Italie par une lettre imprimée et diffusée[9]. L’estime réciproque caractérise, leur vie durant, la collaboration institutionnelle entre le général de la Compagnie et le visiteur des Indes.

2. Cérémoniel : racines humanistes et communication culturelle et religieuse

  1. Après avoir esquissé la figure de Valignano, considérons en parallèle Cérémoniel et De missione, car ces deux œuvres entrent dans la stratégie de Valignano pour faire se connaître réciproquement ces deux parties lointaines du monde, le Japon et l’Europe catholique, condition préalable selon lui à l’essor de la mission[10]. Dans le Cérémoniel, texte à usage interne de la Compagnie et surtout pragmatique, Valignano décrit les moyens et manières à adopter pour mériter confiance et respect des Japonais. Son propos, qui exhibe le regard anthropologique avant la lettre de son auteur[11] introduit le thème de l’adaptation du comportement des Européens aux coutumes orientales. C’est une sorte de médiation culturelle, un vade-mecum du missionnaire, de style prescriptif : on fera, on dira… Valignano y liste les comportements, par exemple les façons de se vêtir et les cérémonies sociales. Sur ce point, dans son bref séjour au Japon, François Xavier avait déjà anticipé certains de ces comportements, tel le port d’habits en soie. Dans cette société hiérarchisée, pense le Visiteur, les missionnaires ne seront écoutés et considérés que s’ils se conforment aux coutumes des bonzes zen et adoptent leur gravité et leur style. De plus, ils doivent observer le cérémoniel dans les relations verbales et écrites à tous les différents niveaux de la société, comme savoir accueillir les invités dans la maison selon les règles et les cérémonies, comme pour le thé.
  2. Valignano soutient aussi que le peuple japonais était fort attentif à ces choses, que règlent des livres spécialisés (relations avec les invités, les domestiques), et méprise en outre les étrangers qui ne les respectent pas, et ceux-ci ne disposent que d’un certain temps pour s’y conformer. Enfin, ledit peuple tiendrait pour non orthodoxe tout comportement indigne de la part des missionnaires et les rejetterait avant même de saisir le sens profond de leur approche religieuse. Pareil comportement gênerait même les Japonais convertis au christianisme, qui se sentiraient humiliés d’avoir accordé leur respect à pareils ministres du culte. Après tout, du moins au début, les Japonais n’avaient pour tout critère d’évaluation des missionnaires que leur apparence. Valignano affirme ainsi le poids de l’aspect extérieur, de la courtoisie relationnelle, de la réputation issue du comportement, de la dignité pour gagner le respect des Japonais.
  3. En bref, les missionnaires se demandaient comment « devenir japonais »[12]. La question suscite la controverse chez les jésuites au Japon et inquiète les supérieurs à Rome, en particulier le général Acquaviva. L’adhésion aux coutumes du Japon entre dans la stratégie politico-culturelle de Valignano, qui fait de l’acceptation de certaines cérémonies la clé d’entrée directe et positive dans le monde à convertir. Il s’agit d’instrumentaliser la coutume pour faire connaître le christianisme et le monde qui l’exprime, e. la société et la civilisation chrétiennes de l’Europe avec ses institutions surtout religieuses, le pape et l’Église. Une clé d’accès culturelle avant tout, qui n’implique pas forcément de conséquences religieuses. Les Européens doivent apprendre le japonais, former aussi un clergé japonais indigène, mais sans pour autant atténuer les différences entre christianisme et bouddhisme, ni chercher des compromis. L’adaptation est d’abord question de coutumes civiles. Quant au plan religieux, Valignano tient pour la chrétienté latine et l’adhésion prudente mais claire à l’Église romaine, encore que le débat sur les limites de l’orthodoxie soit ouvert chez les missionnaires[13]. Mais, comme le soutient Hélène Vu Thanh, il faut déconstruire ce « mouvement linéaire et continu pour imposer la politique d’accommodation » proposé par l’historiographie jésuite, qui trouve ses racines chez François-Xavier, déjà cité, et son « promoteur » en Valignano. La question comprend plusieurs aspects : les contrastes internes parmi les jésuites, les « réussites et les échecs de la politique d’accommodation », et surtout l’attitude active des Japonais face à cette stratégie[14].
  4. Par ailleurs, la tradition humaniste qui avait formé les hommes des élites sociales en Italie et en Europe enseignait l’accomodamento, art de se tenir en s’adaptant aux situations locales. De plus, le rôle du cérémoniel comme élément de comparaison culturelle se situait dans la tradition européenne et italienne du XVIesiècle, répandue dans les cours. Nul hasard si Valignano débute par les cérémonies, très importantes au Japon mais non moins en Europe entre la fin de la Renaissance et le début du Baroque. Ce sujet est au centre de la culture aristocratique des XVIe et XVIIe siècles et toute une littérature existe sur le comportement correct à la cour, dont l’exemple plus renommé est le Cortegiano de Baldassarre Castiglione (rédigé en 1513-1518 publié en 1528). La vie de la cour a d’autant plus ses règles que Valignano, moins missionnaire que diplomate, sait qu’il les faut respecter pour recueillir la bienveillance des daimyō, les seigneurs japonais, ceux grâce auxquels le catholicisme pourra tenir au Japon et les jésuites, continuer l’œuvre d’évangélisation[15].
  5. L’autre texte de référence de Valignano est par excellence le code de conduite du Galateo de Monseigneur Giovanni Della Casa (rédigé en 1551-1555, publié en 1558), qui concerne plus l’homme du commun, avec des règles assez précises comme celles sur la tenue vestimentaire :

Chacun doit s’habiller correctement en fonction de son état et de son âge. En fait, en le faisant d’une autre manière, il semble mépriser les gens. C’est pourquoi les citoyens de Padoue s’offensaient généralement lorsqu’un monsieur vénitien se promenait vêtu en robe de bure dans leur ville, comme s’il était à la campagne. Il faut s’efforcer de se conformer le plus possible à la coutume des autres citoyens et s’habituer aux usages du lieu, même s’ils étaient ou semblaient être moins confortables et moins gracieux que les anciens. Si toute la ville porte des cheveux rasés, on ne doit pas porter des cheveux longs, ou si les autres citoyens n’ont pas la barbe, on doit la couper […] Il ne faut jamais contredire les autres au sujet des coutumes, sauf en cas de nécessité […] En fait, avant toute autre affectation haineuse, c’est ce qui nous rend odieux aux yeux de beaucoup de gens[16].

  1. En bref, l’importance de l’habillement, de la robe était la métaphore du besoin de paraître pour acquérir de l’autorité chez les Japonais[17]. Après tout, la conversion religieuse était un travail de conviction et de médiation, donc de diplomatie. Ignorer les règles qui présidaient à cette activité, c’était être en dehors de la société politique, être tenu pour un sauvage. La conclusion qu’on peut en tirer, à savoir que l’apparence compte plus que la substance, est l’une des bases conceptuelles de l’époque baroque, mais compte aussi dans le contact interculturel. Le cérémoniel, qui sert à atténuer les différences, à s’adapter aux usages locaux et à permettre un dialogue autrement impossible, était familier à la culture de l’Europe qui, entre les XVIeet XVIIe siècles, a mûri au cours des luttes religieuses et se fondait sur la dissimulation qui va réglementer la communication politique de l’âge baroque, ainsi que relations aussi entre l’individu et le pouvoir[18].
  2. Ces conditions se retrouvent dans les sociétés d’Orient, et ce même avec leurs différences internes et leur structure hiérarchique, qui peuvent entraver la relation du jésuite avec la société entière, du pauvre au puissant. Mais il faut respecter les règles sociales pour appréhender ces réalités du terrain en vue de la conversion. Par conséquent, les religieux, tout convaincus soient-ils de la supériorité de leur culture d’origine, doivent s’adapter pour être reconnus dans leur autorité et en même temps bénéficier de la confiance des peuples visés et surtout de leurs diverses élites sociopolitiques et culturelles. Le déguisement et l’adaptation sont légitimes à ces fins. Le mode opératoire des cérémonies offre la voie la plus adéquate afin d’établir un plan commun par lequel introduire les principes du Christianisme.
  3. À l’époque de Valignano, l’idée d’adaptation manifeste l’effort concret d’évangélisation que la découverte de peuples nouveaux et la différenciation culturelle au sein de l’Europe ont stimulé, mais qui trouve aussi certaines racines chez Saint Paul Apôtre[19]. Mais l’urgence du moment concerne son application d’une ampleur géographique sans précédent à l’Extrême-Orient. Des choix s’imposent d’autant plus que la première expérience apostolique des franciscains en Amérique espagnole semble avoir échoué à la fin du XVIesiècle, face au retour des pratiques cultuelles indigènes[20]. Le problème de la manière de poser le message chrétien ressurgit avec bien plus de force pour la civilisation et la religion du Japon (et celles d’Orient) dans des conditions très différentes.
  4. La crainte que l’adaptation ne fût que l’antichambre d’une déformation de la doctrine catholique émerge au siècle suivant avec la question des Rites. La réponse du général Claudio Acquaviva à la proposition de Valignano révèle qu’il sait bien que l’évangélisation des grandes civilisations de l’Orient ne se fera pas par simple superposition de la culture européenne et du christianisme aux traditions et cultes locaux. Ces civilisations sont trop fortes et trop ancrées. Si Acquaviva approuve l’effort d’adaptation de Valignano à la réalité locale et la finalité instrumentale de celui-ci, et admet qu’on ne peut s’attendre à des miracles, en revanche il accepte mal, en tant qu’homme d’Église ayant vécu dans l’Italie de la Contre-Réforme, que le témoignage du sacrifice du Christ, l’exemple de vie pauvre et ascétique que le missionnaire donne en sa personne et dans ses sermons ne soient pas aussi édifiants que dans les missions internes ou populaires en Italie. Comme le soutient Valignano, l’effet d’un tel comportement au Japon ou en Chine pourrait s’avérer contre-productif au risque de compromettre l’image d’autorité indispensable à l’affirmation de la présence du missionnaire et à la consolidation du processus de conversion.
  5. Valignano se rend compte que ses théories perturbent ses confrères. Aussi veut-il apporter son texte à Rome en personne lors de sa venue pour accompagner la mission Tenshō. Comme ce n’est pas possible, à cause de sa désignation en tant que provincial, il confie les voyageurs et le manuscrit du Cérémoniel à Diogo de Mesquita pour le livrer à Rome. On peut dire que les circonstances conjuguent les deux éléments de la stratégie de communication analysée ici : faire connaître le Japon en Europe et l’Europe au Japon.

3. Japon-Europe aller-retour : le voyage en Europe de l’ambassade Tenshō et le De Missione

  1. Pour ce deuxième objectif, la stratégie de Valignano consiste, pour raconter de façon adéquate et convaincante l’Europe et l’Église romaine aux Japonais, à faire émaner directement des Japonais la description. Il choisit parmi la noblesse du Kyūshū convertie de très jeunes gens qui ont déjà étudié le latin dans les séminaires jésuites, assez jeunes pour être à peu près sûrs de pouvoir rentrer chez eux après ce long voyage et conter leur expérience, laquelle doit naturellement être tout à fait positive, voire passionnante, pour que la supériorité de l’Europe catholique soit nette et sans conteste. Bien sûr, Valignano a aussi un second but : montrer à l’Europe, aux cours royales, à celle du pape que ces jeunes convertis sont préparés, éduqués et réceptifs à la religion catholique et qu’il vaut la peine de financer l’entreprise missionnaire dont il est, lui Valignano, le responsable en Orient.
  2. À l’époque, le Japon occupe une position particulière dans la géographie des missions. C’est un territoire autonome, non colonisé par les puissances étrangères, où le catholicisme semble s’être imposé par son message, où la formation d’un clergé local « indigène » paraît possible, où la relation avec le pouvoir politique local s’est stabilisée, où le niveau de civilisation a l’air élevé, et d’où l’on peut aussi penser à se rendre en Chine.
  3. Les considérations de Valignano sur les spécificités et différences du Japon par rapport à l’Europe rappellent le classement que fait à peu près dans les mêmes années le jésuite espagnol José de Acosta dans le célèbre ouvrage De Procuranda Indorum Salute, publié qu’en 1588-89 mais déjà écrit dans les années 1570. Là où Valignano était provincial des Indes (depuis 1583), Acosta l’était de la province jésuite du Pérou, et plus organisateur de missions que missionnaire. Pour Acosta, les Japonais, ainsi que les Chinois, trônent au plus haut niveau de civilisation parmi les populations « barbares », c’est-à-dire non chrétiennes, parmi les civilisations comparables à celles des Grecs et des Romains antiques auprès desquelles les premiers apôtres avaient œuvré. Par conséquent, selon lui, toute tentative de conversion forcée serait une faillite. Il faut plutôt agir avec les moyens de la persuasion et de la conviction, en vivant au contact populations à convertir et en apprenant leurs langues[21]. La stratégie de Valignano est de connaître la civilisation japonaise, de s’adapter à ses usages et, en même temps, de faire connaître aux Japonais la civilisation de l’Europe catholique, d’affirmer sa supériorité et son pouvoir d’attraction, notamment au regard du pape, figure suprême du monde chrétien.
  4. Ce deuxième point doit se réaliser selon les méthodes traditionnelles, typiques de la mission, telles l’envoi de descriptions du Japon en Europe et leur diffusion, mais aussi par des voies moins traditionnelles, tel l’envoi de convertis. En l’occurrence, des étudiants des séminaires jésuites du Japon, dont certains destinés à prononcer les vœux. Des jeunes gens, car ils feraient un long chemin pour aller en Europe et en revenir. Des sujets cultivés enfin, parlant latin, dont quelques lettres, écrites lors de leur « grand tour » d’Europe restent dans les archives. Ils doivent communiquer, parler, décrire le Japon à l’Europe, voire le représenter comme autant de cartas vivas par leur habit et leur comportement lors des manifestations publiques[22].
  5. Naturellement, Valignano ne veut pas que ce contact interculturel s’établisse hors de son contrôle : il faut que la mission Tenshō ramène au Japon une image formidable, inoubliable, indélébile. Aussi, dès qu’apprenant qu’il doit rester en Inde, rédige-t-il des instructions détaillées qu’il confie à Nuno Rodrigues (ou Roiz), envoyé comme procureur de mission à Rome, qui fait le voyage avec l’expédition[23].
  6. Les instructions sont un texte normatif où Valignano replace la ida de los meniños (le voyage des garçons) dans le contexte de sa juridiction sur le Japon[24]. Ces dispositions, partie intégrante du discours sur la stratégie de communication, sont des pièces typiques de la tradition humaniste et diplomatique. Dans ses 18 premiers points, Valignano se concentre sur les différents aspects pratiques du départ, du voyage et du séjour des « garçons ». Il planifia leur existence jusqu’en mars 1586, date de leur retour au Japon. Un programme bien défini dans le moindre détail. Les étapes de Lisbonne à Rome et l’accueil dans les couvents sont prévus pour protéger les Japonais de l’environnement extérieur.
  7. Le comportement des « ambassadeurs » est des plus importants dans les Instructions. Sur ce point, la comparaison avec le Cérémoniel est significative de sa conception qu’a Valignano de l’échange culturel. Il tient à ce que les cérémonies prennent un double sens, et pour les Japonais et pour les Européens, par exemple à ce qu’on prépare à Rome des cadeaux à ramener au Japon et de style japonais, tels des paravents représentant Rome, e. des présents du type que ceux qu’apportent d’Orient les jeunes gens. Ceux-ci reviendront chargés de toutes sortes de cadeaux, reçus dans les divers cours et palais[25].
  8. Un autre élément de la stratégie de Valignano consiste à faire en sorte que les garçons ne soient pas trop « européanisés » à l’issue de leur visite et gardent leur « identité » japonaise. En effet, c’est en Japonais qu’ils doivent revenir et raconter leur expérience. C’est pourquoi il prescrit que dans les grandes occasions, ils soient vêtus élégamment, mais à la japonaise. Valignano souhaite aussi qu’on les loge au couvent et non dans des palais. Le pape ne doit pas les garder à Rome pour la fin de leur formation catholique, et ils ne doivent pas non plus rester au Collège germanique de Rome, dirigé par des jésuites. Rien ne doit faire perdre de vue le véritable objectif : les Japonais rentreront chez eux pour décrire les merveilles du monde catholique en Europe.
  9. Les instructions au procureur Roiz sont une pièce typique du « gouvernement à distance » sur les missions exercées par le Visiteur, qui ne se contentent pas d’indiquer le parcours de la mission Tenshō. En leur partie centrale, elles traitent des relations avec la monarchie portugaise et le Saint-Siège et situent la mission Tenshō dans le contexte des relations entre l’Église et l’État portugais sous le régime de padroado. C’est un moment politique délicat de la mission jésuite au Japon. En 1583, le pape Grégoire XIII garantit bien aux missions une subvention, puis, en 1585, le monopole du Japon et de la Chine, l’un de ses derniers actes. Mais son successeur Sixte V le contredit en 1586, ouvre le Japon aux membres de son ordre, les franciscains, et en fait la voie à d’autres ordres[26]. Valignano veut justement éviter qu’on désigne les évêques et qu’on accepte certains ordres, en particulier les franciscains espagnols. Quant à la mission Tenshō au regard de la couronne et de la papauté, il faut comprendre que l’opération de communication culturelle est liée au positionnement politique des jésuites et au financement de leur mission japonaise, et ce en perspective de la mission chinoise.
  10. Bien qu’il use du mot legati, Valignano ne veut pas que les jeunes remplissent la fonction d’ambassadeurs à Rome pour montrer leur obéissance au pontife – façon traditionnelle de manifester la conversion d’un peuple au christianisme et sa soumission au pape. Il ne tient pas à susciter au Japon le soupçon d’instrumentalisation politique du voyage. L’accueil en forme officielle et solennelle que font les Européens à la mission confirme les craintes de Valignano. L’expédition est préparée dans le moindre détail cérémoniel, de sorte que le faste solennel de la réception des envoyés dans les cours sera tout de même à la hauteur de celui qu’on réserve à de vrais ambassadeurs[27].
  11. D’autre part, même si la propagande des succès du catholicisme au Japon ne manque pas, Valignano ne désire pas seulement solliciter l’intérêt de l’Europe pour l’exotisme ou la conversion docile à l’Autre, comme avec les Tupinambas présentés quelques années plus tôt à la cour du roi de France, et évoqués par Michel de Montaigne dans ses Essais, encore que sur un tout autre registre. Non, Valignano insiste pour que soient exaltées la « civilisation » du peuple japonais et sa capacité potentielle à rencontrer et à accueillir la culture occidentale et la religion chrétienne.
  12. Le passage de l’organisation du voyage à l’écriture du livre dont il passe pour être l’auteur corrobore sa stratégie. Le texte s’appuie sur les notes des membres de la mission Tenshō et sur des ajouts issus de mainte autre source. Ces écrits sont filtrés pour communiquer l’enthousiasme des voyageurs aux séminaristes au Japon, les impressionner par la majesté et la beauté de l’Europe et de l’Église. De cette vision optimiste et propagandiste est censée émerger l’affirmation de la suprématie spirituelle universelle du Pape de Rome, propre à assurer la crédibilité de l’action missionnaire au Japon.
  13. Comme on le voit dans le De missione, le parcours des « ambassadeurs » révèle la sensibilité aiguë du jésuite en matière de représentation et de communication politiques, tous thèmes déjà bien développés dans les traités de la Renaissance dont Valignano se nourrit probablement durant ses études. De plus, la tradition jésuite de l’écriture, entendue comme correspondance et production de livres, est bien présente dans l’éducation humaniste de cet « homme de la Renaissance ». Son attitude se concrétise dans le livre, qui ponctue l’entière expédition car il complète la stratégie amorcée avec le voyage par l’intégration de celui-ci au récit.
  14. Valignano a d’autres raisons, liées à ses responsabilités, de publier en latin à Macao en 1590. Il entend faire vite circuler le livre en Europe afin de montrer que la mission Tenshō n’a absolument rien de politique et répondre ainsi aux accusations des franciscains. De plus, avec l’arrivée au pouvoir de Hideyoshi et les premières expulsions de missionnaires chrétiens en 1587, il n’est pas prudent d’imprimer le livre à Nagasaki.
  15. Le De missione forme donc une œuvre complexe et surtout composite, entre les notes appliquées des « ambassadeurs », le texte écrit par Valignano en espagnol qui ne nous est hélas pas parvenu et la version latine de Duarte de Sande[28]. Le point d’orgue de cette entreprise eût été la traduction en japonais. Jorge de Loyola, jésuite japonais membre de la mission, séminariste à Arima, qui connaissait bien le latin, se charge de traduire le texte de Duarte de Sande en japonais, mais meurt le 16 août 1589 avant de rentrer au Japon (le seul parmi les membres de la mission Tenshō). Aussi ces « Impressions d’Europe », pour reprendre en l’adaptant le titre du livre d’Antonella Romano, issues des notes de nos Japonais et largement agencées sous la plume de Valignano, ne seront-elles pas imprimées en langue « indigène ».
  16. Valignano contrôle le contenu du livre à l’évidence, souligne Marisa Di Russo[29]. Les descriptions des voyageurs sont très enthousiastes pour l’Europe, mais dépourvues d’opinion personnelle et rendues plus « objectives » par l’intervention du jésuite, ainsi qu’intégrées à maint passage issu des livres d’autres auteurs. Ici s’affirme la perspicacité de Valignano. Tout en soulignant la supériorité de l’Europe, il ne peut forcer la critique du Japon, car cela contredirait sa tactique de reconnaissance des coutumes et traditions locales et la possibilité pour les missionnaires de s’y adapter. Dans le dialogue, l’exaltation de l’Europe prévaut : par exemple, dans la description du cortège de la cérémonie du possesso du Pape que les jeunes observent lors de l’élection de Sixte V, Lino, l’un des deux personnages du dialogue qui n’ont pas fait le voyage, s’adresse à Michele presque avec envie : « Heureux et chanceux vous qui, les premiers de ce monde moins cultivé qui est le nôtre, avez pu aller dans cet ailleurs si splendide et raffiné [30]. » Sans doute, il existe un contraste entre l’Europe riche, culturellement supérieure par son astronomie, bien régie par des principes ouverts au monde extérieur, et le Japon divisé par les guerres féodales, violent, bientôt fermé. Même si Valignano veille à ne pas creuser les contrastes, cette affirmation de la supériorité européenne n’en est pas moins là. Elle passe par les comparaisons sous le rapport du climat et de la couleur de la peau des habitants, mais elle est aussi atténuée, voire étouffée par la référence à d’autres pays, la Chine surtout, à la fois détestée et redoutée des Japonais. Valignano lui-même, dans le vaste domaine de ses Indes orientales, établit des différences entre Japonais, Chinois et Indiens[31].
  17. La forme du texte est cruciale en termes de communication interculturelle : c’est un dialogue entre les quatre jeunes Japonais rentrés d’Europe et deux autres Japonais de leur âge. Valignano reprend la tradition dialogique de Platon à Cicéron, qui est celle de l’Humanisme et de la Renaissance, de Boccace à Castiglione, mais encore aussi celle qu’on retrouve dans les textes exégetiques du bouddhisme[32]. Mais cette formule est aussi celle de la communication apostolique. Un autre exemple, connu dans la production missionnaire, est le Colloque des Douze (1524) écrit par le franciscain Bernardino de Sahagún en 1564-65[33], tenu entre les premiers missionnaires franciscains au Mexique et les nobles locaux. Mais il y a une différence substantielle[34]. Les frères expriment leurs critiques de l’idolâtrie aztèque en un discours univoque, qui montre le désintérêt pour l’Autre, voire humilie le « barbare ». Au contraire, le dialogue conçu par Valignano, quoique de propagande, est d’une eau plus fine. Les jésuites n’y interviennent pas. Seuls les Japonais dispensent leur connaissance de l’Europe à deux compatriotes, qui sont à même de contrer ou justifier la prétendue infériorité du Japon. La forme du dialogue se prête à la mise en évidence des « différences et contradictions », pour citer le titre du célèbre Tratado das contradições e diferenças de costumes de Luís Fróis, qui sont à la base de la confrontation culturelle, ainsi que de la pratique et du discours de mission[35].
  18. La politique missionnaire et la stratégie de communication méritent une dernière considération sur l’instrumentalisation des chrétiens japonais par Valignano pour promouvoir l’évangélisation. L’envoi de la mission Tenshō est à raccorder à la formation du clergé « indigène », élément clé de la politique missionnaire de Valignano. Les jeunes « ambassadeurs » doivent servir de médiateurs culturels, faire mieux connaître le Japon à l’Europe et montrer à leurs compatriotes la supériorité de l’Église catholique et de la civilisation européenne. D’ailleurs, après leur retour, les quatre envoyés entrent tous dans la Compagnie de Jésus. Un seul la quitte ensuite, mais les trois autres seront ordonnés prêtres par l’évêque Cerqueira. Cette action médiatrice se poursuit au Japon avec la transmission de la religion catholique, menée notamment par ceux qui ont vu la Ville éternelle, la Curie et le Pape. Selon Valignano, le clergé japonais, bien éduqué, formé aux principes tridentins dans les collèges de la Compagnie, acceptant la suprématie du Pape de Rome, pourra efficacement accomplir son travail spirituel au sein de la grande communauté catholique du Japon. Toutefois, au Japon, le clergé indigène a déjà suscité une opposition croissante à la Compagnie. Les jésuites européens, qui veulent maintenir leur suprématie, découragent de plus en plus l’entrée des indigènes dans l’ordre[36].
  19. Valignano est un précurseur, en avance sur son temps. La pratique d’envoyer à Rome les jeunes de diverses nations dans le but de les former en tant que missionnaires de leurs propres pays ainsi que de leur faire connaître et assimiler l’esprit « romain » va se répandre au fil des décennies, comme le montre le bel essor des collèges nationaux fondés dans la Ville éternelle pour la formation du clergé local.

Conclusion

  1. On peut définir le De missione comme un texte de propagande à destination des Japonais en vue d’affirmer la supériorité de l’Europe catholique. Bien que proposé avec une grande prudence et le souci de ne pas offenser, le dialogue souligne les différences entre les deux mondes. Replacées dans leur contexte, l’expérience du voyage des jeunes Japonais et l’histoire de la fabrication de ce texte constituent l’un des outils de la stratégie missionnaire et communicative complexe de Valignano. Par d’autres livres de la tradition humaniste, en particulier le Cérémoniel, il veut rapprocher les Européens de la société et de la culture japonaises, dans le sens d’un « croisement culturel » entre l’Europe et l’Orient et, selon une attente plus concrète et immédiate, de l’essor de l’Église catholique. Ce processus long et difficile, qui fonde l’évangélisation, se développe chez Valignano en deux directions opposées, que représentent les deux œuvres évoquées ici et qui convergent dans leur oscillation continue et difficile entre l’observation des différences et la nécessité d’adaptation en vue d’un moment de synthèse qui puisse permettre la conversion.

Références bibliographiques

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[1] Giovanni Pizzorusso, professeur associé d’Histoire moderne à l’Université de Chieti-Pescara, a publié plusieurs monographies et articles sur les missions catholiques : Roma nei Caraibi. L’organizzazione delle missioni cattoliche nelle Antille e in Guyana (1635-1675), Ecole française de Rome, 1995 ; Governare le missioni, conoscere il mondo nel XVII secolo. La Congregazione pontificia De Propaganda Fide, Viterbe, Sette Città, 2018. Contact : giovanni.pizzorusso@gmail.com

[2] Mes remerciements vont à Marisa Di Russo, qui m’a fourni des articles très utiles à la rédaction de ce texte, et à Maria Antonietta Visceglia, qui m’a invité à tenir un séminaire sur Valignano à l’Université La Sapienza en 2018, ainsi qu’à l’éditeur de ce volume et aux deux réviseurs anonymes pour leurs précieuses suggestions.

[3] Voir l’édition critique : Schütte 1946.

[4] Aspect souligné par M. di Russo dans la récente édition italienne du texte (utilisée pour cet essai), Valignano, Dialogo sulla missione.

[5] Pour la biographie de Valignano, voir Schütte 1980-83, pp. 30-36, Pizzorusso 2020. Sur l’histoire et la généalogie de la famille, voir Di Paolantonio 2013.

[6] En désignant un Italien pour remplacer le Portugais Gonçalo Alvarez, Mercurian veut placer une figure liée à lui et à Rome plus qu’à la province portugaise connectée au padroado de la couronne lusitaine. Sur le généralat, voir McCoog 2004.

[7] La liste presque complète des lettres de Valignano se trouve dans Schütte 1980-83.

[8] Sur Claudio Acquaviva et son gouvernement de la Compagnie, la bibliographie est énorme : pour un aperçu, voir Rosa 1960, Guerra 2001, Broggio-Cantù-Fabre-Romano 2007, Fabre-Rurale 2017, Morales-Ricci 2018.

[9] Breggia 2018.

[10] Sur l’activité d’ensemble de Valignano, voir les collectifs de Tamburello-Üçerler-Di Russo 2008 et Üçerler 2009.

[11] Prosperi 1998, p. 190.

[12] Vu Thanh 2016, pp. 9-23, met à jour l’historiographie récente et a une approche moins euro-centrique et plus relative de l’accomodamento ; cf. aussi Zupanov 2010.

[13] Tamburello 2008, pp. 345-347. Voir aussi le texte, plus nuancé, Catto 2011, avec l’ample introduction à la nouvelle édition anastatique de Valignano, Il Cerimoniale édité par Schütte en 2011.

[14] Vu Thanh 2016, pp. 17-20.

[15] Les jésuites ne sont pas des “cortigiani”, mais protégés par les daimyō ; voir Prosperi 1998, p. 191, qui cite sur ce type de rapport un écrit de Giovanni Della Casa : De officis inter potentiores et tenuiores amicos.

[16] «Ben vestito dee andar ciascuno secondo sua condizione e secondo sua età, perciocché altrimenti facendo pare egli sprezzi la gente. E perciò solevano i cittadini di Padova prendersi ad onta quando alcun gentiluomo viniziano andava per la loro città in saio, quasi gli fosse avviso di essere un contado […] Si dee l’uomo sforzare di ritrarsi più che può al costume degli altri cittadini e lasciarsi volgere dalle usanze, comeché forse meno comode e meno leggiadre che le antiche per avventura non erano o non parevano a lui. E, se tutta la città averà tonduti i capelli, non si vuol portar la zazzera, o dove gli altri cittadini non hanno la barba se la deve tagliare. …. Il contradir nel costumar con le persone, non si dee fare se non in caso di necessità… imperocché questo, innanzi ad ogni altro odioso vezzo, ci rende odiosi al più delle persone» (traduction personnelle), Della Casa 1558, cap. VII. Sur le rapport entre les ouvrages de Castiglione et Della Casa et l’action de Valignano au Japon, voir aussi Prosperi 1998, pp. 190-191 et Marino 2017 b.

[17] Voir l’article de Vu Thanh 2011.

[18] Adriano Prosperi observe qu’à l’époque où Valignano était étudiant à Padoue et souvent présent à Venise, la question de la simulation était bien présente dans le milieu des hérétiques nicodémites de Vénétie. Il cite un texte du prêtre Paolo Rosello de 1549, Prosperi 1998, pp. 193-194. Sur la formation de Valignano cf. Lisón Tolosana 2008. Récemment, Guido Mongini, sans nier les analogies entre les classiques de la civilité cités ci-dessus et les principes de comportement établis par la Compagnie, a soutenu que soit l’accomodamento, avec la distinction entre ce qui est essentiel et immutable et ce qui n’est pas essentiel (les adiaphora) et, pour cela, mutable ou négligeable, soit la simulation et le nicodémisme sont des éléments constitutifs de l’idéologie et de la pratique jésuites, le « nuestro modo de proceder » ignatien. Pour Mongini, à la fin du XVIe siècle, Valignano et, après lui, Matteo Ricci et Roberto Nobili ont pu retrouver ces stratégies déjà élaborées à l’intérieur du « patrimoine idéologique » jésuite et les appliquer dans leurs contextes missionnaires (Mongini 2016, pp. 193-198 et 253-254).

[19] Prosperi 1998 qui fait référence à la première lettre aux Corinthiens, chap. 9, pp. 19-22.

[20] Bernand-Gruzinski 1988.

[21] Antonella Romano a récemment établi un parallèle entre Valignano et Acosta (Romano 2016, pp. 103-111). Voir aussi Catto 2011.

[22] Sur l’image des Japonais, voir désormais l’édition réalisée par Marisa Di Russo de Valignano, Dialogo sulla missione (2016) et le catalogue de l’exposition Di Russo-Molteni-Viganò 2019. Après le passage de la mission Tenshō et la production de textes imprimés ad hoc, la diffusion du savoir sur le Japon en Europe se répand, Valignano, Dialogo sulla missione, pp. 592-600. Le voyage est d’abord relaté aux Européens par Gualtieri, Relationi della venuta, dont Valignano lira le texte, et Fróis, La première ambassade. Voir aussi Sorge 1988.

[23] Roiz part en décembre 1583 pour être présent à l’ouverture de la congrégation des procureurs de la Compagnie de Jésus que Acquaviva avait fixée au 15 novembre 1584, presque un an après.

[24] Édition intégrale dans Alvarez-Taladriz 1982. Voir le choix de ces instructions par Pinto-Bernard 1943 et Valignano, Dialogo sulla missione, pp. 529-536.

[25] Valignano, Dialogo sulla missione, pp. 564-568 ; sur les témoignages du passage de la mission Tenshō dans les villes italiennes, voir Comici 2019.

[26] Mirabilia Dei, bref de Grégoire XIII accordant le subside, daté du 13 juin 1583. La bulle Ex pastorali officio (28 janvier 1585) garantit le monopole jésuite dans les missions orientales. Dum ad uberes fructus, bref de Sixte V qui annule le précédent, date du 15 novembre 1586, voir Valignano, Dialogo sulla missione, p. 555.

[27] Voir par exemple la visite chez les Este à Ferrare, Iannello 2012.

[28] Comme Valignano n’est pas indiqué dans le livre comme auteur, l’évêque et inquisiteur Leonardo de Sá, résident à Macao avec juridiction sur la Chine et le Japon, délégua en 1589 le Visiteur avec Diogo Antunes et Nicolás de Ávila pour la révision du texte et l’imprimatur, cf. Valignano, Dialogo sulla missione, p. 55.

[29] Cf. la «Postfazione» dans Valignano, Dialogo sulla missione, p. 557.

[30] Ibid., p. 561.

[31] Sur cette question, voir l’étude, fondé sur les sources Aranha 2008, ainsi que Da Silva Ehalt 2018.

[32] Üçerler 2003, Marino 2017 a.

[33] Le titre original est Coloquios y Doctrina christiana et le manuscrit est conservé aux Archives Apostoliques du Vatican, Miscellanea Armadi I, ff. 26-41. J’ai utilisé la version italienne Sahagún 1991.

[34] Sur l’intérêt méthodologique de comparer la mission au Japon à celle d’autres pays, voir Kouamé 2009, pp. 32-38.

[35] Fróis, Européens & Japonais.

[36] Vu Thanh 2016, pp. 135-148.