Karim Benmiloud [1]
Université Paul-Valéry – Montpellier 3
IRIEC EA 740
Résumé : Auteur discret, sinon secret, Sergio Pitol (1933-2018) fut durant de nombreuses années un auteur invisible dans le champ des lettres mexicaines, sans doute à cause de son nomadisme constant à la suite d’un premier voyage à Caracas (1953) puis à New York (1956-1957), prélude à un voyage séminal vers l’Italie de ses aïeux (1961), qui devait déboucher à son tour sur un séjour de plus de 27 ans à l’étranger. L’article porte donc sur le cas exemplaire de Sergio Pitol dans le champ des lettres mexicaines, puisque l’écrivain, lauréat du Prix Cervantès en 2005, a poussé jusqu’aux limites une pratique vitale fondée sur l’extraterritorialité (d’abord comme voyageur, puis comme diplomate) et une pratique littéraire fondée sur le franchissement des frontières, le croisement des langues et des genres (comme traducteur, pour avoir traduit plus de 80 ouvrages de cinq langues différentes vers l’espagnol, et aussi comme écrivain, habile à franchir les frontières et à hybrider les formes, entre conte et nouvelle, essai et fiction, réalité et songe).
Mots-clés : littérature mexicaine, hybridité, extraterritorialité, nomadisme, Sergio Pitol.Título : Los orígenes del cosmopolitismo en Sergio Pitol
Resumen : Autor discreto, cuando no secreto, Sergio Pitol (1933-2018) fue durante un largo periodo un autor casi invisible en el campo de las letras mexicanas, tal vez debido a su nomadismo, a raíz de su primer viaje a Caracas (1953) y después a Nueva York (1956-1957), preludios a un viaje seminal a la Italia de sus antepasados (1961), que había de desembocar a su vez en una estancia de más de 27 años en el extranjero. El artículo versa en el caso ejemplar que es el de Sergio Pitol en el ámbito de las letras mexicanas, por ser el escritor, merecedor del Premio Cervantes en 2005, un autor que ha extremado hasta los límites, tanto una práctica vital basada en la extraterritorialidad (primero como viajero, luego como diplomático) como una práctica literaria marcada por el cruce de fronteras, idiomas y géneros (como traductor, por haber traducido más de 80 libros, en cinco idiomas, al español, y también como escritor, ducho en el arte de cruzar fronteras e hibridar formas, entre cuento y novela, ensayo y ficción, realidad y sueño).
Palabras claves : literatura mexicana, hibridez, extraterritorialidad, nomadismo, Sergio Pitol.Title : To The Origins of Sergio Pitol’s Cosmopolitism
Abstract : As a discreet, if not a secret author, Sergio Pitol (1933-2018) was for a long time an almost invisible author in the field of Mexican literature, maybe due to his nomadism, since his first trip to Caracas (1953) and to New York after that (1956-1957), preludes to a seed travel to the Italy of his ancestors (1961), which was to lead in turn to a more than 27 years abroad. The article is about the model constituted by Sergio Pitol in the field of Mexican literature, for he was a writer who owned the Cervantes Prize in 2005, who took to the extreme both his life practice based on extraterritoriality (as a traveler first, then as a diplomat), and his writing practice, marked by the use of crossing borders, languages or genres (as a translator, since he translated more than 80 books, from five different languages to Spanish, and also as a writer, gifted in the art of crossing borders and hybridizing forms, between short story and novel, essay and fiction, reality and dream).
Keywords : Mexican literature, hybridity, extraterritoriality, nomadism, Sergio Pitol.
Pour citer cet article : Benmiloud, Karim, 2019, « Aux origines du cosmopolitisme chez Sergio Pitol », Dossier thématique : Voix et identités d’ici et d’ailleurs dans la littérature mexicaine contemporaine, coord. par Véronique Pitois Pallares, Cahiers d’études des cultures ibériques et latino-américaines – CECIL, no 5, <https://cecil-univ.eu/C5_3>, mis en ligne le 30/06/2019, consulté le jj/mm/aaaa.
Introduction
- Écrivain longtemps resté discret, sinon secret, Sergio Pitol (1933-2018) fut durant des décennies un auteur presque invisible dans le champ de la littérature mexicaine, notamment à cause de son cosmopolitisme et de son nomadisme, à la suite d’un premier voyage à Cuba et au Venezuela (en 1953), puis à New York (en 1956-1957), prélude à un voyage séminal vers l’Italie de ses ancêtres (en 1961) ; voyage inaugural qui devait déboucher sur une très longue période de plus de 27 ans à l’étranger, notamment en Europe, de 1961 à 1988 – à peine interrompue à deux reprises par deux séjours de quelques mois au Mexique.
- Cet article s’intéresse ainsi au cas exemplaire que constitue Sergio Pitol dans le champ des lettres mexicaines, à la fois parce que le futur lauréat du Prix Cervantès 2005 est un écrivain qui a poussé jusqu’à ses limites une pratique vitale fondée sur l’extraterritorialité et le cosmopolitisme (d’abord comme simple voyageur, puis comme traducteur expatrié, puis comme diplomate) et une pratique littéraire marquée par le croisement des frontières, des langues et des genres : comme traducteur, pour avoir traduit des dizaines de textes majeurs en espagnol, mais aussi comme écrivain, passé maître dans l’art de traverser les frontières et d’hybrider les formes, entre nouvelle et roman, essai et fiction, réalité et songe[2].
1. Les origines italiennes
- Né le 18 mars 1933 à Puebla, où sa famille, originaire de l’État de Veracruz, n’est déjà que de passage, Sergio Pitol Demeneghi grandit dans une famille d’immigrés italiens aisés, dont l’installation au Mexique remonte à la seconde moitié du XIXesiècle. Dans un magnifique entretien accordé à Prague, en juin 1986, à Efraín Kristal, et publié dans la revue Iberoamericana dès l’année suivante, Sergio Pitol raconte à propos des Demeneghi : « Mis bisabuelos maternos llegaron a México en la segunda mitad del siglo pasado y se instalaron, aunque nunca he entendido exactamente por qué, en una región muy apartada del estado de Veracruz, donde crearon cafetales y ganaderías[3] ». Là, dans une région sauvage et au milieu d’une nature tropicale plutôt hostile, ils fondent la « colonia Manuel González », du nom du président du Mexique Manuel del Refugio González Flores, ex-compagnon d’armes de Benito Juárez, et président du Mexique par intérim pendant près de quatre ans, de 1880 à 1884 :
Mi bisabuelo materno, muy entusiasmado por los resultados que se estaban logrando en aquella región, convenció al presidente de la República, Manuel González, para que un grupo de colonos italianos se establecieran en esa misma región selvática y continuaran su labor[4].
- Il en va de même pour sa famille paternelle, les Pitol, dont l’écrivain mexicain évoque cette fois en ces termes l’installation :
Entonces, hacia 1881, después de múltiples incidentes, se logró hacer realidad aquel convenio [sobre la construcción de un ferrocarril] entre el gobierno de México y un grupo de italianos que llegarían al país. Entre ellos se encontraba mi familia paterna[5].
- Dans ces souvenirs recueillis par Efraín Kristal, l’écrivain insiste ensuite sur l’isolement de ces contrées et sur la vie en autarcie développée par cette communauté italienne installée au Mexique :
Demoraba más de un día para cruzar las barrancas que dividían o separaban esta región de todo lo poblado del estado. Quizá eso llevó a los colonos a vivir una vida bastante excéntrica […] [en] una población como las de la Lombardía o del Véneto. Una población metida entre la selva, de casas de campo con portales totalmente diferentes a los portales andaluces, que son los del resto del estado, donde se vivía, se imaginaba, con una inmensa nostalgia, a Italia. Cada ciertos años, mi familia materna hacía el viaje tradicional a Italia, donde los chicos pasaban algunos años de escuela. Algunos se casaban allí y luego regresaban con sus esposas. La vida iba a caballo entre el Véneto y estos ranchos, esta zona aislada de México[6].
- Comme on peut l’imaginer, la vie en autarcie dans une communauté presque exclusivement italophone, conjuguée à l’isolement géographique de ces régions agricoles tropicales, a bien sûr une conséquence linguistique majeure :
Hasta la generación de mis abuelos se hablaba normalmente el italiano y un pésimo español hecho a base de imperativos para hablar con peones y sirvientes. «Haz esto», «friega», «muele», etc. […] La revolución cortó el sueño utópico y segregacionista de ese estado dentro del estado en que vivían, e hizo que ya la generación de mis padres y de mis tíos fuera una generación criada en el español, porque la irrupción del exterior fue violenta. Entonces tuvieron que refugiarse temporadas largas, meses, a veces años, en la ciudad[7].
- Ainsi, on peut relever que, de façon tout à fait significative, Sergio Pitol a été, dès son plus jeune âge, au contact de deux langues : l’italien puisque les deux branches de sa famille sont d’origine italienne, et l’espagnol puisqu’il naît et est scolarisé au Mexique[8]. Cela a donc fait de lui un auteur prédisposé à ce que Mikhaïl Bakhtine appelle le « dialogisme ». La critique mexicaine Luz Fernández de Alba, qui beaucoup travaillé cet aspect de l’œuvre de Pitol, fait ainsi observer dans son essai Del tañido al arte de la fuga:
De acuerdo con Bakhtine, sólo se puede objetivizar el propio lenguaje a la luz de otro lenguaje, de un lenguaje ajeno pero «casi» igual del propio que la lengua materna, cosa que sólo ocurre entre los individuos que por alguna razón, histórica o familiar, se han visto obligados a manejar dos lenguas desde que nacen[9].
- Mais il y a plus : Sergio Pitol apprendra en effet dans les années 1950, alors qu’il est étudiant en droit à Mexico, de la bouche de l’éminent juriste mexicain César Sepúlveda[10], que la famille Pitol a fourni au Mexique un cas de droit international qui a fait jurisprudence :
Al ver a Pitol dijo como un ajedrecista que adelanta un alfil inesperado : −¿qué parentesco tiene usted con Honorato Pitol? Usted seguramente tiene que ver con mi tesis. / Entre el tintineo de los vasos y el denso humo de los cigarros, Pitol supo que su familia apellidaba un caso jurídico. […] Sepúlveda fue pródigo en datos : la Cláusula Calvo se asentó en el Derecho Internacional gracias al «caso Pitol», el quinto de su tipo y por lo tanto el que formaba jurisprudencia. […] establece que los extranjeros residentes en México deben renunciar a la protección de sus países y someterse a las leyes locales. La ley se aplicó a cuatro empresas extranjeras y se usó por primera vez con una familia durante el «caso Pitol»[11].
- Rien d’étonnant donc à ce que, des années plus tard, Sergio Pitol finisse par effectuer à son tour le voyage d’Italie, retour au berceau européen des deux branches de sa famille, les Pitol et les Demeneghi, et saisisse l’occasion de vivre presque une année à Rome, en 1961. C’est là que sa trajectoire (il n’a alors que 28 ans) croisera celle de la philosophe espagnole María Zambrano (1904-1991), exilée en Italie à cause du franquisme, avec qui il établira un lien puissant et durable (et qu’il rejoindra au palmarès du prestigieux Prix Cervantès plus de 40 ans plus tard)[12].
- De ce retour programmé en Italie, témoigneront dans l’œuvre de Pitol d’abord les titres de certaines nouvelles du recueil Los climas (1966), à savoir « Hora de Nápoles », « Vía Milán », ou plus tard un chapitre de son deuxième roman, Juegos Florales (1982), qui possède la particularité d’avoir été publié des années plus tôt comme une nouvelle indépendante : « El relato veneciano de Billie Upward ». Au-delà des titres eux-mêmes, la nouvelle « Cuerpo presente » (dernière nouvelle de Infierno de todos, recueil écrit en 1964 et publié en 1965) se déroule à Rome ; le premier roman, publié quelques années plus tard, El tañido de una flauta (1972), oscille entre Rome, Venise, mais aussi Londres, New York et Veracruz ; le deuxième roman, Juegos Florales (1982), donc, oscille entre Rome et Xalapa (avec la parenthèse d’un récit second, un récit dans le récit, le fameux récit de « Billie Upward », qui se déroule à Venise) ; et El desfile del amor (1984) se déroule certes à Mexico, mais… dans la « colonia Roma » ; enfin, le personnage principal de Domar a la divina garza (1988) s’appelle… Dante C. de la Estrella.
2. La formation intellectuelle : l’influence des républicains exilés espagnols
- L’autre caractéristique majeure qui va prédisposer Sergio Pitol à devenir un écrivain ouvert sur le monde, et cosmopolite, c’est l’excellente formation qu’il va recevoir à Mexico, alors qu’il est inscrit à la Facultad de Derecho de la UNAM dans les années 1950. Là, il va suivre en particulier un cours célèbre intitulé « Teoría del Estado » donné par un républicain espagnol exilé au Mexique, don Manuel Pedroso. Mentor de toute une génération de futurs écrivains et artistes mexicains, qu’on identifiera plus tard comme la « Generación de Medio Siglo » (Génération du Demi-Siècle), don Manuel Pedroso, de son vrai nom Manuel Martínez del Pedroso (1883-1957) aimanta autour de lui, grâce à sa personnalité charismatique, tous les futurs talents de cette génération encore balbutiante, qui commence à publier ses premiers textes, notamment dans la revue Medio Siglo, véritable incubateur où, sous la houlette du jeune et brillant Carlos Fuentes, le groupe fera ses premières armes[13].
- En Espagne, Manuel Pedroso, doyen de la Faculté de Droit et vice-recteur de l’université de Séville, délégué de l’Espagne à la Société des Nations, avait aussi participé, en tant que rédacteur, à la Constitution de la République Espagnole de 1931[14]. Comme le rappelle Héctor Orestes Aguilar, dans un article publié en janvier 2012 dans Laberinto, supplément du quotidien mexicain Milenio, « Pedroso y Pitol : dónde, cuándo y cómo empezó todo » :
Su vínculo con la República era profundo y su paso por puestos de representatividad internacional había sido muy visible: fue embajador republicano en Polonia (donde le confirieron la Orden de Polonia Restituta) y la Unión Soviética, asesor jurídico de la delegación española en la Conferencia de Desarme de Ginebra y representante en el Comité del Consejo de la Sociedad de Naciones y diputado en Ceuta por el PSOE en 1936[15].
- Dans son émouvant livre de miscellanées, El arte de la fuga, publié en 1996, Sergio Pitol rend un vibrant hommage à son maître don Manuel Pedroso[16], et à ce fameux cours de « Théorie de l’État » qui fut si formateur pour lui et pour les écrivains de sa génération qui étaient inscrits à la Faculté de Droit. Mais, au-delà du cours lui-même, il y avait aussi la fameuse « tertulia » que don Manuel Pedroso animait pour les happy few dans le bien nommé Café Viena, du Paseo de la Reforma :
Como por efecto de alquimia aparecía en mi memoria el Café Viena del Paseo de la Reforma, su atmósfera, su mobiliario y el aroma indiscutiblemente centroeuropeo de su pastelería. […] La memoria me devuelve una larga mesa en el fondo del café, debajo de un inmenso espejo rectangular. La preside don Manuel Pedroso, rodeado de una parvada de muchachos que debían andar entre los dieciocho y los veinte años. […] Embebidos, oyen a su maestro hablar de Góngora, de Balzac, de Hobbes y Dostoievski, de sus tiempos de maestro en Sevilla y en Madrid, de episodios y personajes de la república española, de las teorías sobre el amor en Stendhal y en Proust, de sus estudios de filosofía y derecho en Alemania, del surgimiento y auge del expresionismo, del Bauhaus, de Rilke y las Elegías de Duino, de las que conoce largos fragmentos de memoria, de la Italia de Burckhardt, de la de Goethe, de la de Berenson […]. En la tertulia de Pedroso el logos y sus rigores conviven en plena armonía con la trivia; Alicia Osorio, Lupina Mendoza, Ivonne Loyola, Carlos Fuentes, Víctor Flores Olea, Luis Prieto y el que esto escribe oyen, absortos, al maestro, celebran sus agudezas, asienten, lo interrogan, se atreven a manifestar alguna objeción a la que el propio maestro los incita[17].
- Dans son discours de réception du Prix Cervantès, prononcé dans le Grand Amphithéâtre de l’Université de Alcala de Henares le 21 avril 2006, Sergio Pitol, après avoir rendu une nouvelle fois hommage à son maître Pedroso, en ajoutait un second, mexicain celui-là, en la personne d’Alfonso Reyes (1889-1959), qui s’exila en Espagne entre 1914 et 1924, avant d’exercer des fonctions diplomatiques à Paris (1924-1927), à Buenos Aires (1927-1930 et 1936-1937) et enfin au Brésil (1930-1935 et 1938) :
En el mismo periodo, frecuenté devotamente los cursos de Don Alfonso Reyes en el Colegio Nacional, sobre literatura y filosofía griega y leí gran parte de sus libros. Los leía, me imagino, por el puro amor a su idioma, por la insospechada música que encontraba en ellos, por la gracia con que, de repente, aligeraba la exposición de un tema necesariamente grave. […] Lo que mi generación le debe ha sido invaluable. En una época de ventanas cerradas, de nacionalismo estrecho, Reyes nos incitaba a emprender todos los viajes[18].
- Double magistère, donc, exercé par Manuel Pedroso et Alfonso Reyes, dont s’imprègneront jusqu’à la moelle non seulement Carlos Fuentes et Sergio Pitol, mais aussi José Emilio Pacheco, Carlos Monsiváis, Víctor Flores Olea, Luis Prieto Reyes, etc.
- Dans un article célèbre, intitulé « Sergio Pitol : el autor y su biógrafo improbable », l’écrivain Carlos Monsiváis (1938-2010), ami intime de l’auteur, résume justement cette double influence séminale en une formule brillante :
Conoce entonces a dos maestros fundamentales: Manuel Pedroso, trasterrado español, catedrático de teoría del Estado, enamorado de la cultura de Occidente y conversador notable, y don Alfonso Reyes, escritor excepcional al que visita y escucha en conferencias y del que aprende el placer de la claridad expresiva. Gracias a Pedroso y a Reyes […] Pitol ratifica su pasión por el detalle, reafirmado por lecturas y por su idea de los viajes como cacería de imágenes novelables[19].
- Dans un de ses derniers livres, El viaje, publié en 2000, texte foncièrement hybride, à mi-chemin entre le récit de voyage et la fiction pure, Sergio Pitol conclut lui-même sur cette période bénie :
Hace unos cincuenta años, durante nuestros primeros años universitarios, Luis Prieto y yo frecuentábamos una red de círculos cosmopolitas ganados, a veces en exceso, por la excentricidad; muchos de ellos eran europeos llegados a México durante la guerra, quienes encontraron aquí el cielo prometido y no volvieron a sus países de origen. Nos movíamos entre ellos con una facilidad notable[20].
3. Les premiers voyages : Cuba, Caracas et New York
- En 1953, à la veille de son vingtième anniversaire, Sergio Pitol fait son premier voyage loin du Mexique, qui n’est pas par hasard un voyage latino-américain, placé, excusez du peu, sous le haut patronage symbolique de Jules Verne (qu’il a tant lu dans sa jeunesse), et le haut patronage réel d’Alfonso Reyes en personne, qui fut son maître à la Faculté de Droit et qui lui écrit des lettres de recommandation. Dans « Sergio Pitol con pasaporte negro », un remarquable article publié en 1989, essentiel pour ceux qui s’intéressent à la trajectoire biographique de Sergio Pitol et qui fourmille d’éléments factuels de première main[21], Juan Villoro note ainsi :
Como otros intelectuales del continente, Reyes insistía en la trascendencia de América latina después del desplome moral de Europa al término de la segunda guerra. Ese proselitismo era compartido por el más carismático alumno de Manuel Pedroso, Carlos Fuentes, que había acompañado a su padre diplomático en sus misiones a Estados Unidos, Chile, Brasil y Argentina. Gracias a la influencia de Reyes y de Fuentes, Pitol sintió que su vocación lo llevaría a América latina. Poco antes de cumplir los dieciocho años (sic), zarpó en el Franceso Morosini (sic) en un viaje que tenía mucho de iniciático[22].
- Dans El arte de la fuga, Sergio Pitol écrit ainsi :
Las lecturas de Julio Verne habían alimentado en mí cierta desesperación de recorrer el mundo y perderme en él; un desquite, tal vez, de la reclusión infantil. A principios de 1953 viajé por primera vez al extranjero. Se trataba de un viaje a Sudamérica. Pensaba desembarcar en Venezuela, pasar por Colombia y Ecuador para llegar al Perú, donde volvería a embarcarme de regreso a México. Unas cartas de presentación de Alfonso Reyes me permitieron conocer de inmediato a algunos intelectuales venezolanos o extranjeros residentes en Venezuela[23].
- Il y a assurément dans ce désir de voyage une volonté de se confronter à la diversité du monde, celle-là même que lui ont dépeinte et fait miroiter les intellectuels cosmopolites qui l’ont formé, mais aussi, sans nul doute, une sorte de geste aristocratique, qui constitue l’habitus de classe des jeunes gens de bonne famille en Amérique latine, un peu dans la tradition du « Grand Tour[24] » qu’effectuaient les jeunes gens de la plus haute société européenne (notamment britannique et allemande), en Italie, en France, mais aussi aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse. Juan Villoro note ainsi avec humour :
Desde los primeros días del viaje, Pitol demostró su excepcional capacidad para ignorar que el dinero no se reproduce en la cartera. Se embarcó en primera clase, como un joven barón de Somerset Maugham; en una escala en Nueva Orleáns, se mandó hacer un costoso traje de lino y otras prendas para refutar el torpor del trópico con la elegancia[25].
- Conçu à l’origine comme un projet collectif, destiné à être réalisé avec des camarades d’université, ce voyage, Sergio Pitol finira par l’effectuer seul, en bravant les interdits et les obstacles, et dans des circonstances assez rocambolesques : orphelin de père et de mère, il est aussi mineur (la majorité est alors fixée à 21 ans au Mexique), et ne peut donc quitter le territoire sans l’accord de son oncle, qui est son tuteur légal. Après avoir raté le bateau qu’il voulait prendre, et embarqué sur un cargo pour prendre de vitesse le bateau qu’il avait raté en allant l’attendre à Cuba, puis après une longue escale cubaine, Sergio Pitol finit par fêter ses 20 ans à Caracas (avoir 20 ans à Caracas en 1953 !) où, abandonnant son projet initial, il reste finalement plusieurs mois, et publie quelques articles et même des poèmes, grâce aux relations d’Alfonso Reyes dans ce pays :
Venezuela sufría en aquella época una dictadura militar cruel y obtusa, la de Pérez Jiménez. Me quedé varios meses sin moverme de Caracas en vez de realizar el ambicioso itinerario trazado previamente. Allí cumplí mis veinte años[26].
- Quoique riche de rencontres, d’expériences et d’impressions, l’aventure le laisse sans un sou : « De sobra está decir que la aventura venezolana dejó a Pitol sin dinero. El joven que salió de México con lujo, se embarca de regreso en un camarote de “menos tercera”[27] ».
- Au retour, après avoir rempli de notes ses carnets de voyages, il échoue à écrire du théâtre (alors même qu’il avait toujours imaginé que son destin d’écrivain serait le théâtre[28]), mais écrit ses premières nouvelles, qu’il publie dans deux recueils successifs, Tiempo cercado (1959) et Infierno de todos (1965).
- Ces nouvelles, encore très ancrées dans le Mexique rural de l’Etat de Veracruz où il a passé son enfance, et très marquées par la lecture de la Comala de Juan Rulfo et de la Yoknapatawpha de William Faulkner[29], inscrivent pourtant en creux une ville (et même souvent la capitale Mexico), encore inaccessible, et par extension un horizon urbain cosmopolite, envisagé comme l’envers de l’Enfer du Mexique rural (autrement dit un Paradis). Ces nouvelles portent aussi sans doute déjà la trace d’un séjour à New York, effectué en 1956 ou en 1957, qui a constitué pour l’écrivain une véritable révélation. Sergio Pitol raconte ainsi son éblouissement devant les musées new-yorkais, et notamment sa découverte du célèbre Guernica, de Pablo Picasso, au MoMA de New York (sans doute lors de la grande rétrospective consacrée à Picasso pour son 75eanniversaire, au MoMA, du 22 mai au 8 septembre 1957, même si le tableau, arrivé en dépôt au MoMA le 1er mai 1939, voyagea beaucoup entre 1938 et 1958, notamment aux États-Unis) :
En la época en que escribí esos cuentos viajé a Nueva York. Debe haber sido en 1956. Sólo en años recientes he podido advertir la enorme apertura que produjeron en mí aquellos dos viajes del todo diferentes. He visitado después muchos museos, pero ninguno de sus recorridos volvió a repetir el estupor que me produjeron los de Nueva York, sobre todo el de Arte Moderno. Pasé unas cuantas semanas azorado por la magnitud de mi ignorancia y regocijado por las sorpresas portentosas que me deparaba el intento de atenuarla. ¡Qué diferencia entre Guernica al natural y sus reducidas reproducciones en revistas o suplementos culturales[30]!
4. L’Europe, l’Europe, l’Europe !
- Après le voyage salutaire à La Havane et Caracas (1953) et à New York (1956-1957), Sergio Pitol est plus que jamais décidé à élargir son horizon : « El impulso de viajar, después de mis primeras salidas, en vez de atenuarse se volvió obsesivo. Inicié el año 1961 con una intensa sensación de fastidio. Me sentía harto de mis circunstancias y también del mundo[31] ». Dans ses mémoires, il relie aussi son désir de départ à la fièvre qui avait saisi à l’époque de jeunes artistes et écrivains de toute la planète, les faisant épouser le mode de vie libre et nomade promu par les écrivains de la Beat Generation, Allen Ginsberg, Jack Kerouac – l’auteur de Sur la route, 1957 – ou William S. Burroughs, elle-même prélude au mouvement hippie qui devait se développer dans les années 1960 :
La prensa registraba el desasosiego que comenzaba a alterar a algunos escritores jóvenes en distintas partes del planeta, una de esas fiebres que aparecen cada tantos años. Abandonaban casa, seguridad, empleo y se lanzaban a recorrer los caminos del mundo. Salían de Nueva York y California para establecerse en México y luego daban el salto a Tánger o a Marrakesh. O se instalaban en París, en Roma, en Capri, en Rodas, en Santorini, y a veces hasta en algún pequeño villorrio de Filipinas o Ceilán. Yo me sentía arrinconado en México; contraje aquel virus, vendí casi todos mis libros y algunos cuadros, y me lancé al camino[32]!
- Sergio Pitol effectue en 1961 son premier voyage en Europe, qui sera en réalité le début de plus d’un quart de siècle d’itinérance (essentiellement européenne), à peine entrecoupé par quelques brefs retours au Mexique. En 1961, il commence par Londres, s’arrête à Paris et à Genève, puis s’installe à Rome, où la « tertulia » de María Zambrano, l’exilée espagnole, fait écho à celle de don Manuel Pedroso à Mexico dix ans plus tôt (Manuel Pedroso est en effet décédé en 1957).
- En 1962, après un bref retour au Mexique, où Sergio Pitol tente en vain d’organiser un nouveau long séjour pour l’Italie, le voilà face à une opportunité qui sera sa seule entorse véritable à son tropisme européen : il part pour Pékin, où il ne reste qu’un an, et dont il ne parlera presque jamais (pleinement conscient qu’il est d’être resté au seuil du seuil de cette culture), mais où il a l’occasion de rencontrer le futur Prix Nobel Gao Xingjian, de sept ans son cadet.
- En 1963, Sergio Pitol s’établit à Varsovie, en Pologne, où il reste jusqu’au milieu de l’année 1966[33]. Il y apprend le polonais, publie à distance le recueil Infierno de todos aux presses de la Universidad Veracruzana en 1964 (le livre sort de chez l’imprimeur au tout début de l’année 1965). A Varsovie, il retrouve notamment son ami Juan Manuel Torres (qui étudie le cinéma à Lodz) et il reçoit aussi la visite d’Elena Poniatowska (elle-même d’origine polonaise, et moitié française et moitié mexicaine), qui publie le 1er septembre 1965 un compte rendu de leur rencontre dans La Cultura en México sous le titre : « Elena Poniatowska redescubre en Varsovia a un escritor mexicano: Sergio Pitol »[34]. A Varsovie, Pitol conçoit aussi une anthologie de nouvelles polonaises, qu’il prologue, choisit et traduit lui-même, et qui fera date. Elle sera publiée en 1967, peu après son retour au Mexique : Antología del cuento polaco contemporáneo[35].
- En 1966, est publié son recueil Los climas, dont Sergio Pitol explicitait ainsi le titre dans un entretien accordé à Margarita García Flores :
[…] se llama así porque los cuentos suceden, están planteados en distintos lugares del mundo donde viví […]. Hay un intento de los personajes para romper esas barreras y esos cercos y esos infiernos a los que estaban sometidos en los relatos anteriores[36].
- Fin 1966, il rentre aussi au Mexique et s’établit à Xalapa (Veracruz), où il reste un an et prend la tête des Presses de la Universidad Veracruzana. Pendant qu’il est au Mexique, ERA publie en 1967 son recueil de nouvelles No hay tal lugar, dont le titre reprend la traduction proposée par Alfonso Reyes pour le mot utopie. Juan Villoro évoque les sentiments mitigés que suscite ce retour au pays :
Terminada su estancia en Polonia regresa a Xalapa, donde dirige la editorial de la Universidad Veracruzana. Aunque es una etapa fecunda, que le permite volver a vincularse con amigos y colegas mexicanos, extraña la bulliciosa vida en Polonia y la libertad que otorga estar y no estar en un entorno, ver la realidad desde la periferia, ejercer la extranjería como una peculiar forma de conocimiento[37].
- En 1968, après avoir enfin obtenu à la UNAM sa Licence de Droit (restée en suspens depuis le début des années 1950 !), il part pour Belgrade, capitale de la Yougoslavie, où il occupe son premier poste diplomatique comme attaché culturel à l’Ambassade du Mexique. Expérience de courte durée, puisque, comme beaucoup d’intellectuels et d’écrivains qui exercent des fonctions diplomatiques, il démissionne dès la fin de l’année 1968, à la suite du terrible massacre de Tlatelolco, sur la Place des Trois Cultures, à Mexico, le 2 octobre 1968.
- Il rentre quelques mois au Mexique, le temps de trouver une nouvelle opportunité pour repartir en Europe, même si ses projets sont, au départ, marqués par l’incertitude.
- Sergio Pitol arrive ainsi le 20 juin 1969 à Barcelone, où il va rester près de deux ans et demi, et se lier à la gauche divine qui a pris son essor (c’est justement l’année où Jorge Herralde fonde Anagrama et Beatriz de Moura et Oscar Tusquets fondent Tusquets), dans les dernières années de résistance intellectuelle au franquisme, où la ville est en pleine effervescence culturelle, intellectuelle et politique. En témoigne son fameux « Diario de Escudillers », des fragments de son journal intime de l’époque (vraisemblablement largement remanié et réécrit, comme Sergio Pitol a coutume de le faire lorsqu’il en publie des extraits) qu’il publie des années plus tard, en 1996, dans El arte de la fuga[38]. En 2003, dans le prologue au premier volume de ses œuvres complètes, il témoigne ainsi :
La Barcelona que viví entre 1969 y 1972 era una de las ciudades más vivas de Europa. Se preveía ya, se sentía en el aire, que la fortaleza totalitaria estaba minada, que faltaba poco tiempo para explotar y desquebrajarse. […] Se crearon librerías y editoriales con orientaciones renovadoras: Anagrama, Tusquets, entre otras. La revolución juvenil que recorrió Europa en el 68 dejó un fuerte eco en España. Se vivía en un mundo de ideas y de emociones abierto a todas las novedades. Todas mis células participaban de esa ebriedad. Sólo en Barcelona, entre todos los años que estuve ausente de mi país, participé activamente en la vida literaria, y tuve un trato estrecho con escritores y editores, sobre todo los jóvenes[39].
- C’est ainsi qu’il assiste à la fameuse soirée qui se tient la nuit de la Saint-Sylvestre, chez Luis Goytisolo, le 31 décembre 1970, dont José Donoso a donné un récit célèbre dans son Historia personal del Boom (Anagrama, 1972), et qui réunit la fine fleur du Boom : outre les amphitryons, il y a là les deux futurs Prix Nobel de littérature Gabriel García Márquez et Mario Vargas Llosa et leurs épouses respectives, Julio Cortázar et Ugné Karvelis, José Donoso, Sergio Pitol, Fernando Tola, Jorge Herralde, Carmen Balcells, etc. C’est d’ailleurs de cette soirée légendaire que l’éditeur Jorge Herralde date le début de son amitié avec l’écrivain mexicain :
No sé si, como sugiere tentativamente Donoso, allí se terminó el boom […] pero sí fue para mí el inicio de mi gran amistad con Sergio. Desde aquella madrugada, mi nuevo amigo no fue solo un prometedor escritor latinoamericano, un colaborador de las mejores editoriales barcelonesas, un lector voraz y un amigo de tantos amigos. Para mí, Pitol ya fue Pitol[40].
- A Barcelone, Pitol collabore avec plusieurs maisons d’édition, traduit pour Seix Barral (grâce à Félix de Azua), notamment les romans de Henry James – qu’il a découvert avec délectation – Washington Square (1970), Las Bostonianas, Lo que Maisie sabía et La vuelta de tuerca (1971), El buen soldado (1971) de Ford Madox Ford, et Emma (1972) de Jane Austen. Il fonde aussi chez Tusquets en 1969 une collection qui sera bientôt culte, « Los Heterodoxos », « unrepertorio de prodigios absolutamente indispensable, un must[41] ». C’est à Barcelone qu’il rédige une grande partie de son premier roman, un work in progress qu’il mettra quatorze ans à achever : El tañido de una flauta (qui sera finalement publié en 1972), et que le critique Adolfo Castañón qualifie de « novela del desarraigo[42] ». A travers la figure de Carlos Ibarra, le romancier raté, le premier roman de Pitol porte aussi la marque des années de doutes existentiels et de difficultés financières que son auteur a traversées. Selon Juan Villoro, à Barcelone, Pitol :
[…] se sume en las inacabables noches del Barrio Chino en el que alguna vez vivió Henry Miller, crea su leyenda de autor duro y devastado, con tal eficacia que el crítico mexicano Francisco Zendejas publica una columna en la que habla de su muerte[43].
- Dans un autre texte, « Aterrizaje de Pitol en Barcelona en 1969 », daté de 2006, Jorge Herralde, celui-là même qui deviendrait bien plus tard, dans les années 1980, l’éditeur de Pitol en Espagne, analysait ainsi avec une grande justesse :
Escribió en Barcelona su primera novela, El tañido de una flauta, a la que siguió Juegos florales. Sin embargo, pese a su gran calidad pasaron un tanto en sordina. […] lejos del realismo mágico y sus levitaciones, del color local o el color político de la literatura latinoamericana imperante, la literatura de Pitol –culta, refinada y exigente, muy cosmopolita y europea pese a ser muy mexicana– descolocó a los lectores : no era lo que se esperaba de un escritor mexicano[44].
- Mais Barcelone sera aussi le lieu où seront publiées ou republiées ses nouvelles : le recueil Del encuentro nupcial (Tusquets, 1970), et les rééditions augmentées de Infierno de todos (Seix Barral, 1971) et Los climas (Seix Barral, 1972). Et c’est encore le lieu où il commencera sa très longue carrière de traducteur, traduisant au fil de sa carrière plus de 80 romans, de l’italien, du polonais, du russe et bien sûr de l’anglais. Sa prose fictionnelle de l’époque est marquée par cette itinérance, par ses multiples expériences d’homo viator, et par sa capacité à jongler avec les lieux et les atmosphères. Des années plus tard, il résume avec une grande lucidité :
A partir de entonces comencé a imaginar tramas que sucedían en los países donde me movía. Los escenarios narrativos eran los mismos que yo transitaba: Polonia, Alemania, Francia, Austria y, sobre todo, Italia. […] Mis protagonistas, salvo una o dos excepciones, eran siempre mexicanos de paso por algún lugar de Europa: estudiantes, escritores y artistas, hombres de negocios, cineastas que asisten a algún festival, o tan solo turistas. Hombres y mujeres de cualquier edad que en un momento imprevisible sufrían alguna crisis moral, amorosa, intelectual, religiosa, ideológica, existencial. De haber pasado ese momento de angustia en México lo hubiesen sobrepasado con seguridad fácilmente, y tal vez considerado como una minucia[45].
- A Barcelone, il croise enfin le tout jeune Enrique Vila-Matas, pas encore écrivain, avec qui il développera une amitié littéraire à l’épreuve du temps : « Con Enrique Vila-Matas cambié en dos ocasiones unas cuantas palabras, aunque nuestra amistad nació y creció lejos de Barcelona : en Varsovia, en París, en la Mérida venezolana, en Morelia, Xalapa y Veracruz[46] ».
- En juin 1971 (il a alors 38 ans révolus), Sergio Pitol part pour Bristol, en Angleterre, où il est recruté pour un an comme lecteur à l’Université, période dont il profite pour voyager fréquemment à Londres. De ce contact rapproché avec la culture anglaise, témoignera un court essai publié au Mexique quelques années plus tard, en 1975, De Jane Austen a Virginia Woolf (Seis novelistas en sus textos), et depuis maintes fois réédité[47]. Avec l’expérience londonienne, prend aussi fin ce que Sergio Pitol appelle la « première étape » de sa longue vie d’expatrié :
Mi estancia en el extranjero puede dividirse en dos periodos, uno anárquico, disparatado, alucinante, siempre extraordinariamente enriquecedor que duró doce años, y otro, incorporado al cuerpo diplomático, que cubrió los restantes. En el primero, me mantuve como pude, logré sobrevivir con mínimas ayudas, clases y actividades editoriales. Viví en Roma, en Pekín, Varsovia, Barcelona y Londres. Cada una de esas estancias marcó mi vida de modo diferente[48].
5. Le diplomate de carrière
- Le 1eravril 1972, il repart pour Varsovie, cette fois comme attaché culturel, avec une fonction officielle. Après une dizaine d’années passées à tirer le diable par la queue, mais dans une liberté totale, le voilà fonctionnaire de l’État mexicain et de son prestigieux « servicio exterior ». C’est ce qu’il appelle la « deuxième étape » de sa vie à l’étranger : « El segundo periodo en el extranjero comprende mi vida diplomática en París, Budapest, Moscú y Praga. El lazo que conecta ambas experiencias, el que une, para decirlo pronto, todos los momentos de mi vida, ha sido la literatura[49] ».
- Il restera trois ans à Varsovie. Et c’est en 1972 que paraît enfin son premier roman, un « roman de l’artiste » à la fois grave et tourmenté, El tañido de una flauta. A Varsovie, il est aussi promu conseiller culturel le 16 septembre 1974, avant d’être nommé en avril 1975 conseiller culturel à l’Ambassade du Mexique à Paris, où Carlos Fuentes est à la même époque ambassadeur (1975-1977). Si le Paris des années 1970 n’a plus grand chose à voir avec celui des années Montparnasse, ni avec celui de Hemingway, l’Ambassade du Mexique, sous la houlette de Fuentes, est un lieu couru, où se presse la fine fleur des lettres parisiennes et latino-américaines : « En medio de la confortable siesta francesa, la gestión de Carlos Fuentes representa un oasis. La Embajada mexicana se transforma en el crucero donde la viuda de Breton se encuentra con Carpentier y Cortázar con Matta[50] ». Sergio Pitol y reste en poste un peu plus d’un an, dans l’ombre de Fuentes, jusqu’à la fin janvier 1977, date à laquelle il part pour Budapest, en Hongrie, où il est encore conseiller culturel. Il en profite pour découvrir Istanbul (qui apparaîtra plus de dix ans plus tard comme toile de fond dans Domar a la divina garza, son roman publié en 1988).
- Le 10 octobre 1978, il est transféré à Moscou, dans ce qui est encore pour quelques années l’URSS, où il reste jusqu’à l’automne 1980. Il en profite pour voyager dans toute l’Union Soviétique et, grâce au statut privilégié dont il jouit en tant que diplomate d’un pays ami (le Mexique de 1910 n’a-t-il pas précédé la Russie de 1917 sur le chemin de la Révolution ?), pour fréquenter discrètement les dissidents et tous les foyers où s’élabore une culture de la dissidence et de la contestation. De ce vertige géographique, de cette ivresse de la locomotion, Juan Villoro écrit encore avec brio :
Pitol sería, con los años, un viajero extremo, casi un fugitivo, capaz de ir de Pekín a Varsovia en la maratónica combinación de los trenes transmanchuriano y transiberiano, de vivir durante meses en barcos de carga, sin conocer el punto definitivo de llegada ni las rutas de cabotaje, de abordar un avión en Moscú para asistir a una negociación de unas horas en la India, de recorrer la agitada cotidianidad de Turquía con la satisfacción de quien se sumerge en la intensa y placentera marea de los sucesos sin advertir que está en un golpe de Estado[51].
- Le 21 octobre 1980, il rentre au Mexique :
el novelista […] vuelve a México cargado de alfombras, 38 cajas de libros, las pinturas que lo han acompañado por media docena de países y muebles que parecen hechos para decorar cuentos de Turgueniev. Se instala en el edificio Rio de Janeiro, conocido por los vecinos de la colonia Roma como « la casa de las Brujas »[52].
- Il travaille à la « Secretaría de Relaciones Exteriores » et plus tard à l’Instituto Nacional de Bellas Artes (INBA). Dans La Semana de Bellas Artes, Elena Poniatowska écrit en 1981 : « Sergio Pitol: el de todos los regresos[53] ». En 1981, il est lauréat au Mexique du prestigieux Premio Xavier Villaurrutia. En 1982, plus de dix ans après le précédent, il publie enfin son deuxième roman, Juegos florales (Siglo XXI).
- Enfin, le 14 février 1983, il est nommé Ambassadeur du Mexique à Prague (Tchécoslovaquie), où il restera près de six ans, dans ce qui sera son dernier poste comme diplomate. Il voyage fréquemment en Espagne, où il achève à Mojácar El desfile del amor (1984), son troisième roman, moins de deux ans seulement après le précédent, ce qui constitue un exploit pour ce romancier à la maturation très lente. C’est sans doute dans ce roman que l’atmosphère cosmopolite et le melting-pot culturel sont portés à leur plus haut point d’incandescence – et même jusqu’à l’explosion, puisque le roman tourne autour d’une fête qui finit en tragédie[54]. Ce brillant roman reçoit, sur manuscrit, la deuxième édition du Prix Herralde du roman, créé l’année précédente par l’éditeur indépendant Anagrama, et qui attirera ensuite une pléiade d’écrivains talentueux. Pendant ces années à Prague, Sergio Pitol continue de sillonner l’Europe centrale, il voyage à Vienne, mais il passe aussi de longues périodes et des vacances sous des cieux plus cléments, pour échapper aux rigueurs des hivers pragois : Almería, Mojácar, Gran Canaria, Lanzarote. Enfin, en août 1988, il rentre définitivement au Mexique, où il met un terme à sa carrière de diplomate. Il devient professeur de littérature à la Facultad de Filosofía y Letras de la UNAM. Il écrit et publie Domar a la divina garza en 1988 et peu après La vida conyugal en 1990.
Conclusion : être cosmopolite au XXIe siècle
- Rentré définitivement au Mexique en 1988, à 55 ans, Sergio Pitol commence par s’installer dans une grande maison à Temisco, un petit village situé près de Cuernavaca[55]. Il ne s’y plaît guère, et déménage pour une nouvelle maison, à Coyoacán, sur la place de la Conchita, tout près de chez ses amis Margo Glantz, Juan Villoro, Vicente Rojo, Neus Espresate, etc.[56] Pour des raisons de santé, il s’installe ensuite en 1992 à Xalapa, Veracruz, après avoir tenté en vain de s’acclimater au monstre qu’est devenue la capitale Mexico D.F., qui, même à Coyoacán, n’a plus rien à voir avec la ville qu’il a connue dans les années 1950. Il témoigne ainsi dans un fragment de El mago de Viena, en 2005:
Cuando miro hacia atrás advierto resultados más bien pobres. Los años vividos pierden cuerpo; el pasado me parece un manojo de fotografías ajadas, amarillentas, abandonadas en el interior de un mueble al que nadie se acerca. En cuanto al presente, me encuentro a los setenta años y resido en una ciudad donde nunca pensé vivir, pero en la que me siento perfectamente, ajena del todo al marco cosmopolita que encuadró buena parte de mi pasado. Eso ha desaparecido. Veo mi pasado como un conjunto de fragmentos de sueños no del todo entendidos[57].
- Sergio Pitol oublie ici de mentionner son incroyable bibliothèque, de plusieurs milliers de volumes, qu’il a accumulée au gré de ses pérégrinations en Europe pendant près de 30 ans, et qui porte le témoignage direct du cosmopolitisme, en esprit et en acte, qui a présidé à toute son existence. De cette ouverture sur le monde et de ces multiples intérêts culturels, témoigne aussi, au premier chef, sa Trilogía de la memoria : d’abord, son livre de miscellanées, El arte de la fuga (l’art de la fugue), publié en 1996, où la « fuite » du titre est bien sûr à la fois géographique et musicale, puisque le titre n’est autre qu’un hommage à une composition inachevée de Bach (Die Kunst der Fuge, 1780). Et les deux volumes suivants, El viaje (2000) et El mago de Viena (2005), qui sont, selon son ami Carlos Monsiváis, à qui nous laisserons les derniers mots :
[…] libro[s] de ensayos, crónicas, relatos, diarios, memorias, [que] se evade[n] de las ataduras del sedentarismo y del nomadismo, y emprende[n] la travesía donde las ideas son formas de vida y reminiscencias, las admiraciones son también presagios, y las amistades resultan, entre otras cosas, el festejo común de la excentricidad[58].
Références bibliographiques
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Notes
[1] Karim Benmiloud est professeur de littérature latino-américaine et membre honoraire de l’IUF (2011-2016). Ancien élève de l’ENS Fontenay-Saint-Cloud (1992-1998), agrégé d’espagnol (1995), il a soutenu une thèse intitulée Vertiges du roman mexicain contemporain : Salvador Elizondo, Juan García Ponce, Sergio Pitol (2000). Habilité à diriger des recherches en 2007, il est l’auteur d’une centaine d’articles et d’une dizaine d’ouvrages sur la littérature hispano-américaine contemporaine. Spécialiste de la littérature mexicaine de la seconde moitié du XXe siècle, il travaille à la fois sur des auteurs consacrés, sur la Génération du Demi-Siècle et sur les nouvelles tendances de la littérature mexicaine. Signature institutionnelle : Univ Paul Valéry Montpellier 3, IRIEC EA 740, F34000, Montpellier, France
[2] Des versions préparatoires de cet article ont été proposées, sous forme de communications, lors d’une journée d’études de l’IRIEC, qui s’est tenue le 31 mars 2017, à l’université Paul-Valéry Montpellier 3, et au colloque international Mexican Literature, Culture, and Film across Borders (Translation, Migration, and Frontiers), qui s’est tenu à Boston University, aux États-Unis, les 26 et 27 octobre 2018, à l’initiative d’Adela Pineda Franco.
[3] Kristal 1987, p. 983.
[4] Sergio Pitol ajoute dans le même entretien : « Era la época del positivismo en México y en América Latina; entonces, la idea de desarrollar nuevas zonas de riqueza, de crear ingenios azucareros, transformar la selva en campo cultivado, resultó muy apetecible. Se creó un compromiso de dar a costos reducidos terrenos muy grandes, que los colonos desbrozarían y en los cuales introducirían nuevos cultivos. También existía el proyecto de crear sederías, es decir, el cultivo del gusano de seda, la morera, para desarrollar esa industria en México » : ibid., pp. 983-984.
[5] Ibid., p. 984.
[6] Ibid., pp. 984-985.
[7] Ibid., p. 985.
[8] Idem.
[9] Fernández de Alba cite aussi ce passage d’un ouvrage de Wilamowitz-Moellendorff sur Platon qui, prolongeant un peu le concept du double apprentissage mais sans le faire remonter nécessairement à la petite enfance, précise : « Sólo el conocimiento de una lengua portadora de otro modo de pensar hace posible la correcta comprensión de la propia lengua » : Fernández de Alba 1998, p. 28.
[10] Voir, par exemple, Sepúlveda 1969.
[11] Villoro 2002, p. 59.
[12] Sur l’amitié entre Sergio Pitol et Maria Zambrano, voir Benmiloud 2013a.
[13] Sur l’influence des intellectuels républicains espagnols exilés sur Sergio Pitol, voir Orestes Aguilar 2012 et Benmiloud 2013b.
[14] Viñas 2007, pp. 136-137 et 139.
[15] Aguilar 2012, § 10.
[16] Cet hommage a un glorieux antécédent dans la prose mexicaine des années 1970, puisque Carlos Fuentes – autre disciple particulièrement prometteur de Pedroso dans les années 1950 –, dans un texte intitulé « Radiografía de una década (1953-1963) », écrivait : « Estos fueron los años de nuestra juventud. Teníamos todos, al iniciar la década, entre los veinte y los veinticinco años. Asistíamos, mayoritariamente, a los cursos de la Facultad de Derecho en las calles de San Ildefonso. […] [P]ara muchos de nosotros el derecho era la puerta falsa para entrar a algo que, nebulosamente, llamábamos “la cultura” » : Fuentes 1971, p. 56.
[17] Pitol 1997, pp. 53-54.
[18] Pitol 2006, s. p.
[19] Monsiváis 2000, p. 23. Ce texte a été lu par l’auteur lors de la remise du Prix Juan Rulfo à Sergio Pitol, à Guadalajara, le 27 novembre 1999 ; repris dans Balza et al. 2000, pp. 23-30.
[20] Pitol 2000, p. 33.
[21] A chaque fois que nous mentionnons dans le présent article une date exacte (jour, mois et année), nous tirons cette donnée de Villoro 2002.
[22] Villoro 2002, pp. 61-62. Il y a d’ailleurs un problème de dates concernant ce premier voyage, puisque Juan Villoro le fixe à la veille du dix-huitième anniversaire de l’auteur (soit en février ou mars 1951) et que, des années plus tard, Sergio Pitol, qui en fournit un long récit dans le prologue (daté de mai 2004) au troisième volume de ses œuvres complètes, le situe l’année suivante, en mars 1952, tout en maintenant l’âge de 18 ans (ce qui est forcément erroné) : « Debió de ser en los finales de febrero o los primeros días de marzo de 1952. Era yo un joven que estaba por cumplir los dieciocho años, lo recuerdo bien porque tuve que salir de México con la aprobación de un tutor » : Pitol 2004, p. 17. En 2011, dans Una autobiografía soterrada, Sergio Pitol corrige cette erreur de datation en republiant ce texte du prologue, rebaptisé « Diario de la Pradera », dans une version amendée, et écrit : « Debió ser en los finales de febrero o los primeros días de marzo de 1953. Era yo un joven que estaba por cumplir los veinte años, lo recuerdo bien porque tuve que salir de México con la aprobación de un tutor » : Pitol 2011a, pp. 24-25 ; et ensuite : « ¡El complicado laberinto para llegar a la Zaragozana de 1953! » : ibid., p. 25.
[23] Pitol 1997, pp. 53-54.
[24] Chessex 1997.
[25] Villoro 2002, p. 62.
[26] Pitol 1997, p. 113.
[27] Villoro 2002, p. 66.
[28] « Al volver a mi país me inscribí en un curso de teoría y técnica dramáticas con la intención de aprender a escribir teatro. Estaba seguro de que mi vocación se dirigía hacia esa meta. La dramaturga Luisa Josefina Hernández nos hacía estudiar algunas tragedias griegas e imponía la tarea de adaptar sus temas a nuestro siglo, de crear Electras, Orestes, Ifigenias y Edipos mexicanos. Trazaba yo mis bosquejos dramáticos de acuerdo a sus instrucciones y cuando me disponía a desarrollarlos me sorprendía que en vez de una tragedia se formara un cuento » : Pitol 1997, p. 113. Sur ce point, voir Benmiloud 2003.
[29] Pitol 1997, p. 114 : « El ángel tutelar de aquella época fue William Faulkner, cuya Yoknapatawpha intentaba yo recrear entre cafetales, palmeras y oscuros ríos tropicales. »
[30] Ibid., pp. 114-115.
[31] Ibid., p. 119.
[32] Idem.
[33] Sur l’importance de la Pologne dans l’œuvre de Pitol, voir Baena 2017, et notamment la partie de la thèse intitulée « Entre la vida y la literatura: Sergio Pitol y Juan Manuel Torres, o la intertextualidad homenaje », pp. 256-268.
[34] Poniatowska 1965.
[35] Cette anthologie de référence, épuisée de longue date, sera rééditée 45 ans plus tard : Pitol & Mendoza 2012.
[36] García Flores 1979, p. 272. Publié partiellement en août 1968 dans la Revista de la UNAM sous le titre « Diálogo, Sergio Pitol: los cuentos, las páginas, el nacionalismo », puis de nouveau partiellement dans la revue La Onda en 1976 sous le titre « Desde París con Sergio Pitol: la literatura tiene que ser espontánea », cet entretien figure dans sa version intégrale et sous le titre définitif « Sergio Pitol: su búsqueda de utopos » dans le recueil d’entretiens publié par Margarita García Flores : García Flores 1979, pp. 265-277.
[37] Villoro 2002, p. 67.
[38] Pitol 1997, pp. 71-83. Le journal court du 22 juin au 27 septembre 1969.
[39] Pitol 2003, p. 17. Ce texte a ensuite été repris, avec quelques modifications, dans le volume Una autobiografía soterrada, où il figure sous le titre « Hacer oír, sentir y ver » : Pitol 2011a, pp. 45-65.
[40] Herralde 2012, p. 62. Ce texte inédit, lu pour la première fois à Bordeaux le jeudi 29 mai 2008, lors du « Colloque international Hommage à Sergio Pitol » organisé par Karim Benmiloud et Raphaël Estève, a été publié une première fois dans Herralde 2009b.
[41] Herralde 2000, p. 55. Sur le travail de Pitol comme « passeur » et comme traducteur, voir par exemple : Sanchez Prado 2018, en particulier le chapitre 1, « The Networks of a Personal World. Sergio Pitol’s Heterodox Cosmopolitanism », pp. 25-76.
[42] Castañón 1993, p. 425.
[43] Villoro 2002, p. 69. Voir aussi le récit de Sergio Pitol lui-même : « Diario de Escudillers », Pitol 1997, p. 82.
[44] Herralde 2009a, p. 35. Ce texte a été lu pour la première fois par Jorge Herralde lors de l’inauguration de la Biblioteca Sergio Pitol, à l’Instituto Cervantes de Sofia (Bulgarie), en février 2006.
[45] Pitol 2003, p. 12.
[46] Pitol 1997, pp. 120-121.
[47] Pitol 1975. Dans une réédition postérieure, les six deviennent sept : Siete escritores ingleses: de Jane Austen a Virginia Woolf : Pitol 1982.
[48] Pitol 1997, pp. 120.
[49] Ibid., p. 121.
[50] Villoro 2002, p. 74. Sur cette période parisienne en demi-teinte, voir aussi le témoignage laconique de Jorge Herralde : Herralde 2012, pp. 62-63.
[51] Villoro 2002, p. 61.
[52] Ibid., pp. 76-77. Juan Villoro ajoute : « En 1984, este inmueble que sirvió de albergue a numerosos refugiados durante la segunda guerra mundial, se convertirá en el Edificio Minerva, escenario de la novela El desfile del amor » : Ibid., p. 77.
[53] Poniatowska 1981, pp. 10-11 ; repris dans Serrato 1994, pp. 29-35.
[54] Sur ce roman, voir Benmiloud 2012b, en particulier pp. 58-92 ; et Benmiloud 2012a.
[55] Herralde 2012, p. 64.
[56] Idem.
[57] Pitol 2005, p. 82.
[58] Monsiváis 2000, p. 30.