By | 16 décembre 2015

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Michel Boeglin 1
Université Paul-Valéry Montpellier 3

La Guerre civile espagnole et ses lendemains. Réalités et représentations


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Ce numéro thématique de CECIL  La Guerre civile espagnole et ses lendemains. Réalités et représentations analyse différents traits historiques du conflit dont l’Espagne fut le théâtre entre 1936 et 1939 ainsi que les représentations qui s’y rapportent.

Le rôle et le positionnement des intellectuels face au conflit, l’histoire de l’exil républicain espagnol dans le sud de la France, les liens étroits entre défenseurs de la République portugais et espagnols tout comme le traitement littéraire ou journalistique de cette période constituent les principales contributions de ce numéro.

C’est à travers l’évocation d’un auteur clé, le romancier et essaysite Max Aub, que Jean Téna pense les liens entre la fiction, l’histoire et la politique. Acteur et témoin de la guerre, de l’exode, des camps et de l’exil, Max Aub produit une œuvre dont l’écriture passe du réalisme à la fantaisie la plus débridée. Face à la vision dramatique, poignante et apocalyptique du conflit, l’humour constitua pour Aub l’un des moyens lui permettant de révéler la réalité profonde d’un monde à la dérive, durant la guerre, puis dans l’exil. Vincent Parello s’attache, quant à lui, à suivre l’exode des républicains espagnols dans l’Hérault : dans les rapports des autorités d’accueil et dans la froideur de leur langue administrative transparaissent les drames humains, ainsi que les effets de la politique d’encadrement face à l’afflux croissant d’Espagnols. La Retirada avait mis à rude épreuve la capacité des autorités françaises à répondre à l’arrivée de centaines de milliers de républicains. Il s’agissait de répartir les groupes tout en veillant à l’ordre public mais, très vite, avec le régime de Vichy, la priorité fut donnée à l’encadrement, à la surveillance et à l’enfermement de ces exilés désormais perçus non seulement comme indésirables mais surtout dangereux, car susceptibles de prendre le maquis. Álvaro Castro s’intéresse également aux suites de la Guerre civile dans l’exil en analysant les liens entre deux intellectuels écartés de la vie universitaire en Espagne au lendemain du conflit et qui choisirent de quitter l’Espagne : l’historien Américo Castro, exilé aux Etats-Unis et Xavier Zubiri, philosophe qui choisit de tourner le dos à l’université franquiste en 1942. C’est précisément de l’analyse de leur correspondance que naît une réflexion profonde sur la nature du conflit, sur le devenir de l’Espagne dans ces années d’incertitude et sur le rôle et la place de l’intellectuel dans les moments de déroute.

Mais la Guerre civile espagnole et l’exil républicain affectèrent également les Portugais comme le montrent fort opportunément deux contributions dans ce même numéro, éclairant une réalité peu évoquée. En effet, ainsi que le rappelle Heloisa Paulo, les liens entre républicains portugais et espagnols furent puissants et cet aspect des relations hispano-portugaises est souvent resté dans l’ombre d’une question plus étudiée : celle de la collaboration militaire entre le Portugal de Salazar et l’Espagne de Franco. Heloisa Paulo vient analyser les liens étroits qui unirent ces Portugais partis en Espagne au lendemain du coup d’État de Salazar, combattant aux côtés des républicains puis qui s’exilèrent en France lorsque l’issue de la Guerre civile pencha en faveur du général Franco. De là, nombre d’entre eux embarquèrent vers le Brésil. Heloisa Paulo exploite tout particulièrement les journaux et les bulletins d’associations d’exilés brésiliens afin de poser les jalons d’une étude de l’exil républicain portugais, peu documenté à ce jour. Parallèlement à cette étude des organes d’associations de réfugiés et exilés, c’est le parcours d’une figure féminine de la presse, Maria Archer, qui est étudié par Armanda Manguito-Bouzy. Journaliste et romancière, cette figure de l’opposition à Salazar et à l’Estado Novo avait choisi en 1955 de s’exiler au Brésil pour y retrouver sa liberté d’expression. Installée à São Paulo, elle travailla aux côtés d’exilés portugais à la rédaction du journal Portugal Democrático et s’employa parallèlement à dénoncer la répression et les atteintes aux libertés dans le Portugal de l’après-guerre. Dans le même temps, elle dénonça les atrocités de la Guerre civile espagnole et l’horreur du régime franquiste.

Intimement liée aux processus mémoriels et à la reconstruction des chemins de l’exil républicain, qui traversent le Portugal, l’Espagne, la France ou le Brésil, la thématique de ce numéro des Cahiers d’études des cultures ibériques et latino-américaines s’inscrit à la croisée de l’histoire culturelle et de l’histoire sociale. Ce sont les permanences, les confluences et les similarités d’expériences dans les espaces lusophone et hispanique, en Europe comme aux Amériques, que nous avons privilégiées dans ce numéro de lancement de la revue CECIL.

Notes

1 Maître de conférences HDR. A notamment dirigé  le vol. collectif Exils et mémoires de l’exil dans le monde ibérique / Exilios y memorias del exilio en el mundo ibérico (XIIe-XXIe siècles / siglos XII-XXI), 2014, Bruxelles, Peter Lang. Signature institutionnelle: Univ Paul Valéry Montpellier 3, IRIEC EA 740, F34000, Montpellier, France.