By | 17 décembre 2018

CECIL#4 PDF de l'article

Shems Kasmi 1
Université Toulouse-Jean Jaurès
EA 7412 CEIIBA

Résumé : Dès leur apparition dans la société coloniale, les métis (mestizos) sont l’objet de toutes les peurs et suspicions du fait de la dualité de leurs origines. Une série de tares leur sont très vite associées, comme celles de la bâtardise et des mauvaises mœurs, contribuant ainsi à leur forger une image infâme. À partir des années 1570, apparaît également de façon récurrente l’accusation d’hérésie, comme argument ultime justifiant leur exclusion sociale. En s’appuyant sur l’ambiguïté qui sous-tendait leur condition, ces accusations tendirent à présenter les métis comme des hérétiques en puissance, officiellement catholiques, mais soupçonnés de pratiquer secrètement le culte indigène, contribuant à donner d’eux une image maléfique.
Mots clés : Métis (mestizos), hérésie, idolâtrie, discours et représentations identitaires, conflits sociaux, Nouvelle-Grenade, XVIe siècle, XVIIe siècle

Title : The figure of the heretic mestizo. Contribution to the study of mestizos’ demonization speeches, in the New Kingdom of Granada in the 16th and 17th centuries
Abstract : As soon as they appeared in colonial society, the mestizos have been the subjects of all kinds of fears and suspicions due to their mixed origins. They have been associated with many flaws such as bastardy or immoral behaviours, and thus suffered from a reputation of infamy built up at their expense. They also have then been repeatedly accused of heresy from the 1570’s, as the ultimate argument to legitimate their social exclusion. These accusations, based on the inherent ambiguity of their condition, tended to present the mestizos as potential heretics, officially catholics, but suspected of practicing secretly the indigenous cult, which contributed to give them a devilish or maleficent image.
Keywords : Mestizos, heresy, idolatry, identity speeches and representations, social conflicts, New Kingdom of Granada, 16th and 17th centuries.

Título : La figura del mestizo herético. Contribución al estudio de los discursos de diabolización de los mestizos del Nuevo Reino de Granada (siglos XVI y XVII)
Resumen : En cuanto aparecieron en la sociedad colonial, los mestizos despertaron el temor y la sospecha de los españoles, por causa de su doble origen. Pronto, fueron asociados con una serie de lacras como la bastardía o las malas costumbres, forjándoles una reputación infamante. A partir de los años 1570, surgió también de manera recurrente la acusación de herejía, como máximo argumento para justificar su marginación social. Aquellas acusaciones, basadas en la imagen ambigua de los mestizos, tendían a presentarlos como heréticos potenciales, oficialmente católicos pero sospechados de practicar secretamente el culto indígena, contribuyendo a dar de ellos una imagen maléfica, e incluso diabólica.
Palabras clave: mestizos, herejía, idolatría, discursos y representaciones identitarias, conflictos sociales, Nueva Granada, siglo XVI, siglo XVII

Pour citer cet article : Kasmi, Shems, 2018, « La figure du métis hérétique. Contribution à l’étude des discours de diabolisation des mestizos de Nouvelle-Grenade (XVIe-XVIIe siècles) », Dossier thématique : La fabrique de l’hérésie. L’hérétique et ses représentations à l’époque moderne : Espagne, Portugal, Amérique (XVIe-XVIIe s.) coord. par Michel Bœglin, Cahiers d’études des cultures ibériques et latino-américaines – CECIL, no 4, mis en ligne le 26/12/2018, DOI: https://doi.org/10.21409/c4_5.

Introduction

  1. Dans les années 1570, un conflit virulent éclata dans la province de Tunja, en Nouvelle-Grenade, entre d’un côté, un groupe d’encomenderos et de l’autre, un métis (mestizo), don Diego de Torres, fils du conquistador espagnol Juan de Torres, et de la noble muisca doña Catalina de Moyachoque. Les premiers s’opposaient farouchement à ce que le second hérite de la fonction de cacique du village indien de sa mère, Turmequé, alors même qu’il en était l’héritier légitime en vertu du principe de succession matrilinéaire en vigueur dans la tradition muisca[2]. Pour tenter de barrer l’accès au cacicazgo à ce prétendant indésirable, les encomenderos élevèrent une plainte auprès de l’Audience de Santa Fe et du Conseil des Indes, où ils l’accusèrent, entre autres, d’être un faux chrétien et de participer à des rites idolâtres indigènes. Cette accusation d’hérésie, au sens large de conduite d’une personne « que disiente o se aparta de la doctrina de una institución » (DRAE), la première du genre proférée à l’encontre d’un métis de Nouvelle-Grenade[3], était-elle fondée ? Et si tel n’était pas le cas, quel pouvait être l’intérêt d’une accusation de ce type, et en quoi correspondait-elle à l’image que l’on avait des métis dans la société coloniale ?
  2. Il faut rappeler qu’à l’époque où se déroulaient ces événements, les métis, nés dans l’immense majorité des cas d’un père espagnol et d’une mère indienne, étaient largement perçus comme des êtres vils, fourbes, inconstants et ambivalents, et ce principalement en raison de la dualité de leurs origines. La défiance dont faisaient l’objet ces mestizos s’était notamment matérialisée par une série de lois qui visaient grosso modo à les priver des droits dont jouissaient les Espagnols. Chez ces derniers, on doutait fréquemment, à tort ou à raison, de la loyauté des métis vis-à-vis de la nation espagnole. De la question de la loyauté à la nation à celle de la loyauté à la religion, il n’y avait qu’un pas, aisément franchi, tant nation et religion formaient un tout indissociable. On redoutait notamment que l’influence culturelle et identitaire que pouvait avoir sur eux leur groupe maternel les détourne du dogme catholique au profit du culte indigène et les fasse tomber dans l’hérésie. C’est ainsi que se construisit progressivement dans les représentations espagnoles de l’époque l’idée plus ou moins consciente selon laquelle les métis, du fait de l’ambiguïté qui sous-tendait leur condition, étaient des sortes d’hérétiques en puissance, officiellement catholiques mais voués à pratiquer secrètement la religion de leurs ancêtres maternels. D’ailleurs, dans le sillage des encomenderos de Tunja, les accusations plus ou moins directes d’hérésie émises contre des métis, les présentant soit comme des idolâtres et/ou des sorciers, soit simplement comme des chrétiens douteux, devinrent de plus en plus récurrentes, en particulier entre le dernier tiers du XVIe siècle et le premier du XVIIe. Nous en retrouvons la trace dans des sources écrites de diverses natures : compte-rendu de procès, mémoires, lettres, chroniques, etc. Notre propos est d’étudier la nature et la pertinence de ces discours qui contribuèrent progressivement à donner des métis une image diabolique, en tenant compte du contexte de rivalités sociales dans lequel ils surgirent, où certains Espagnols s’opposaient à ce que les métis puissent occuper une position prééminente dans la société coloniale. Ces discours participent de la construction d’un « type social » propre à l’imaginaire colonial, dont il convient de préciser les modalités et les enjeux à partir de l’étude de cas concrets. Il nous semble que ces questions n’ont pas fait l’objet de suffisamment d’attention jusqu’à maintenant. Nous espérons, par le biais de la présente étude, contribuer à l’avancée des connaissances sur le sujet[4].
  3. Nous commencerons par décrire brièvement la situation et l’image des métis avant l’irruption des accusations d’hérésie, puis nous nous intéresserons particulièrement à celles-ci.

1. L’image du métis dans la société coloniale : « con grandísimo trabajo se crían »

  1. Bien que parfois considérés dans un premier temps comme des alliés naturels des Espagnols[5], les métis furent vite l’objet de mépris et de rejet. Du côté espagnol, on supposait notamment que les défauts et les vices attribués aux Indiens leur étaient irrémédiablement transmis en héritage. On retrouve ce point de vue sous la plume de Gonzalo Fernández de Oviedo dès 1535 :

esta generación de los indios es muy mentirosa e de poca constancia […] Que se deba creer lo que digo de los indios, prúebase porque la experiencia e obras de algunos lo mostraron, y por los mestizos, hijos de cristianos e de indias; porque con grandísimo trabajo se crían, e con mucho mayor no los pueden apartar de vicios e malas costumbres e inclinaciones[6].

  1. Dans les années 1541-1542, la révolte de Diego Almagro el Mozo, fils métis du conquistador Diego Almagro, contre Pizarro et le pouvoir royal, n’arrangea en rien la situation et contribua à donner d’eux une image violente et séditieuse[7]. À ceci venait s’ajouter le fait que dans l’immense majorité des cas, les métis étaient issus d’unions illégitimes, condition qui les plaçait automatiquement dans une position d’infériorité légale depuis la promulgation des Leyes de Toro en 1505[8]. Avec les années, la condition de métis eut tendance à devenir synonyme d’enfant illégitime, comme l’illustre la formulation de la cédule royale du 27 février 1549, adressée à l’Audience de Santa Fe de Bogotá, qui stipulait que « ningún mulato ni mestizo ni hombre que no fuese legítimopudiese tener indios ni oficio real ni público[9] », ce qui leur barrait l’accès, entre autres, à la fonction d’encomendero. Quelque deux décennies plus tard, en 1568, une cédule royale adressée à l’ensemble de la vice-royauté du Pérou leur interdisant le port d’armes faisait état du danger social qu’ils représentaient en raison, non seulement de leur nombre, mais également de leur capacité à passer d’un groupe à un autre au gré de leurs intérêts et des circonstances. Ici, c’est évidemment leur ambiguïté identitaire qui suscitait les craintes espagnoles :

A nos se ha hecho relación que los mestizos […] que hay en esas provincias, son ya muchos y crecen cada día más y mal intencionados y convernía mucho que nos mandásemos que ninguno dellos pudiese traer armas, porque como son hijos de indias, en cometiendo delito, luego se visten como indios y se meten entre los parientes de sus madres, y no se pueden hallar[10].

  1. Ainsi, au début des années 1570, c’est cette somme d’attributs – héritage indigène néfaste, origine illégitime, mauvais penchants et comportement rebelle, ambiguïté identitaire, croissance démographique incontrôlée – que l’on associait communément aux métis et qui était à l’origine de leur mauvaise réputation, justifiant les discriminations légales dont ils étaient l’objet. En 1571, on peut retrouver un condensé de cette image à travers la description du cosmographe Juan López de Velasco :

Hay […] muchos mestizos […], y cada día se van acrecentando más de todas partes; los cuales, todos salen por la mayor parte bien dispuestos, ágiles y de buenas fuerzas, e industria y maña para cualquier cosa, pero mal inclinados a la virtud, y por la mayor parte muy dados a vicios; y así no gozan del derecho y libertades que los españoles, ni pueden tener indios, sino los nacidos de legítimo matrimonio. [Y] por haber tantos, vienen a estar algunas partes en peligro de desasosiego y rebelión[11].

  1. Cependant, malgré l’ancrage de cette mauvaise réputation et les discriminations légales, certains métis de Nouvelle-Grenade avaient réussi, à l’époque à laquelle nous nous référons, à occuper certaines positions prééminentes. C’est généralement par le biais d’une reconnaissance officielle par leur père qu’ils parvinrent, en tant qu’enfants naturels légitimés a posteriori, à bénéficier des mêmes droits que les Espagnols[12], et à échapper à des lois anti-métis qui visaient en premier lieu les enfants illégitimes[13]. Citons à titre d’exemple Juan Ortiz, fils de l’encomendero de Cómeza, Ortuño Ortiz, et de l’Indienne Elvira de Tena, qui put hériter de l’encomienda de son père en 1563[14]. Parmi les métis qui occupaient des charges publiques, on pourra citer Sebastián de Ropero[15], ou Diego García Zorro[16], respectivement procurador et regidor. Ceci avait pour effet d’exacerber les sentiments de mépris et de haine contre les métis, étant donné que leurs détracteurs, souvent en situation de concurrence avec eux, estimaient qu’ils étaient indignes de ces honneurs, et s’appuyaient sur leur mauvaise réputation pour donner du crédit à ce point de vue. Dans ce contexte, l’accusation d’hérésie allait constituer un argument supplémentaire, potentiellement décisif, pour fragiliser la position des métis ou contrecarrer leurs désirs d’ascension sociale.

2. La figure du métis hérétique

  1. Nous allons maintenant étudier les accusations successives d’hérésie adressées à des métis de Nouvelle-Grenade, entre le dernier tiers du XVIe siècle et le premier du XVIIe, en tenant compte de la particularité de chaque cas et de leur contribution à la construction de la figure du métis hérétique.

2.1. Don Diego de Torres : cacique métis de Turmequé

  1. Revenons au conflit évoqué en introduction. En 1570, le métis don Diego de Torres devient cacique du village indien de Turmequé, avec l’appui de la population indigène et du président de l’Audiencia de Santa Fe, Venero de Leyva. Deux ans plus tard, il est confirmé dans cette fonction par Philippe II. Toutefois, cette succession est loin de réjouir l’encomendero de Turmequé, Pedro de Torres, qui n’est autre que le demi-frère espagnol « de cuatro costados » de don Diego. Avec l’appui d’un groupe d’encomenderos de la province de Tunja, il lui intente un procès où il l’accuse notamment de déshonorer sciemment son baptême en organisant la célébration de rites indigènes païens, à la façon d’un cacique muisca préhispanique[17], au détriment du rôle de cacique chrétien qui lui était assigné par la législation coloniale :

El dicho Diego de Torres no considerando que es baptisado e cristiano y que debe guardar y cumplir las ceremonias que la Santa Madre Iglesia manda se guarden y mandar a los indios del dicho repartimiento las guarden y cumplan, no lo ha hecho ni querido hacer, antes continuando los ritos antiguos que los dichos indios guardaban ha convocado muy de ordinario todos los indios del dicho repartimiento y los principales de él y haciendo juntas de ellos de noche y de día les ha inducido y dado lugar a que hagan sus borracheras y bailes con sus ritos y ceremonias permitiendo grandes excesos y abominaciones en grande ofensa de Dios y de la religión cristiana[18].

  1. Sur quels éléments l’encomendero se fondait-il pour avancer de telles choses ? Sur des faits avérés, ou inversement sur un certain nombre d’a priori concernant les métis ? Il se trouve que les sources historiques indiquent que la personnalité de don Diego ne correspondait en rien au portrait peu flatteur dressé par son demi-frère. Les spécialistes de la figure du cacique métis s’accordent à le considérer comme un chrétien fervent[19], ayant été éduqué au sein de l’élite coloniale à la manière d’un noble espagnol, même s’il maîtrisait également parfaitement la langue muisca[20]. Dans cette optique, les dires de don Pedro nous apparaissent comme une accusation calomnieuse visant à jeter le discrédit sur la figure de don Diego, en exploitant allégrement l’habituel soupçon d’ambiguïté culturelle et identitaire qui pesait alors sur les métis, cette fois appliqué au champ de la foi et du sacré. En plus de la vraisemblance que pouvait revêtir une telle affirmation dans le cas d’un métis, la nuance qu’elle venait ajouter à leur réputation déjà négative était capitale au vu de la gravité du péché d’hérésie. D’ailleurs, don Pedro ne s’y trompait pas, lui qui écrivit « agravando más su iniquidad[21] » pour qualifier le palier franchi dans l’infamie par le métis avec cette prétendue déviance religieuse. La réaction de la Couronne, saisie en 1575 par l’Audience de Santa Fe, illustre bien ces deux aspects, à la fois son apparente crédibilité et sa gravité, puisqu’elle promulgua dans la foulée une cédule d’interdiction pour les métis d’occuper la fonction de cacique, le 18 janvier 1576[22].
  2. Mais alors, si cette accusation n’était qu’une pure fabrication élaborée à partir des préjugés de la société coloniale sur les métis, que reprochait réellement l’encomendero à don Diego, et pour quelle raison s’opposait-il tant à sa succession à la fonction de cacique ? Bien que l’aversion inhérente des Espagnols vis-à-vis des métis ne doive pas être sous-estimée, il semble que la cause réelle de l’opposition soit en fait l’engagement acharné de don Diego dans la défense des Indiens contre les abus des encomenderos, d’autant que sa maîtrise de la langue espagnole et sa connaissance des procédures légales de l’administration coloniale en faisaient un redoutable adversaire[23]. D’ailleurs, le principal intéressé, dans une lettre adressée à Philippe II le 8 avril 1575, montre toute sa lucidité quant au danger qu’il représentait pour les encomenderos, en affirmant : « se entiende claramente que quieren por caciques dichos encomenderos a un miserable indio mudo[24] ». Malgré le soutien que lui apporta Phillipe II après qu’il fut allé plaider sa cause devant le monarque en personne en 1577, don Diego de Torres ne put jamais reprendre possession de son héritage légitime et mourut en Espagne en 1590. Ce cas constitue le premier jalon d’un processus qui allait consister à exploiter, de façon plus ou moins consciente, l’analogie conceptuelle entre la figure du métis d’un côté, et celle de l’hérétique de l’autre, qui renvoient toutes deux aux notions d’entre-deux, d’ambiguïté, pour construire l’idée selon laquelle les métis auraient une sorte de vocation inéluctable à la déviance religieuse, en raison de l’influence de leur groupe maternel, qui les détournerait d’un christianisme auquel il n’appartiendrait qu’extérieurement.

2.2. L’affaire des prêtres métis

  1. Le jour où la cédule royale interdisant aux métis l’accès au cacicazgo fut promulguée, c’est-à-dire le 18 janvier 1576, le Conseil des Indes eut également à se prononcer sur une délicate affaire toujours en lien avec la place et les droits que l’on devait accorder aux métis : il s’agissait de la question de leur accès au sacerdoce. Comment ne pas imaginer que les soupçons d’hérésie qui pesaient en 1576 sur le métis Diego de Torres aient influencé la décision du Conseil sur cette autre affaire, où la question du crédit que l’on accordait à l’intégrité religieuse des métis allait être encore une fois primordiale. Cela dit, l’édiction d’une cédule relative à l’ordination des métis visait directement à répondre au mécontentement que suscitait chez les ordres mendiants le fait que l’archevêque de Bogotá, fray Luis Zapata de Cárdenas, et l’évêque de Popayán, fray Agustín de la Coruña, eussent ordonné de nombreux métis comme prêtres doctrineros, au détriment des moines (frailes)[25]. La Couronne décida de trancher la question en interdisant aux métis l’accès au sacerdoce, dont on dit dans la cédule que « no tenían suficiencia para ello[26] ». A l’instar du conflit autour du cacicazgo, c’est encore le soupçon d’hérésie qui fut utilisé par les représentants des ordres mendiants pour influencer la décision de la Couronne. Nous n’avons pas retrouvé la trace des plaintes antérieures à 1576. En revanche, dans une lettre adressée au roi après l’édiction de la cédule – car celle-ci n’avait évidemment pas suffi à mettre fin au conflit –, écrite conjointement par les provinciaux des ordres franciscain et dominicain, on retrouve l’idée que les métis étaient des chrétiens douteux et ignorants, indignes d’enseigner aux Indiens une doctrine qu’eux-mêmes ne connaissaient pas :

[el] arzobispo de este Reino y [el] obispo de Popayán […] nos echan de las doctrinas […], poniendo clérigos mestizos y gente que tiene más necesidad de ser enseñados y doctrinados que no de enseñar, que es cosa de gran lástima que un ciego guíe a otro[27].

  1. La métaphore employée par les moines pour soulever ce qui leur semble être un paradoxe (« un ciego [que guía] a otro »), est révélatrice de l’image que l’on avait ou que l’on cherchait à donner des métis, dont on ne voulait pas reconnaître le statut de chrétien à part entière, mais que l’on renvoyait inlassablement à leurs origines païennes. Dans leur esprit, un métis était tout aussi « aveugle » qu’un Indien, et in fine, tout aussi païen ou idolâtre, malgré son appartenance théorique au christianisme. Trois ans plus tard, en 1583, on retrouve la même idée dans une lettre du provincial des franciscains au roi, mais cette fois-ci, l’accusation d’hérésie est plus explicite, avec la mention d’une supposée participation aux cérémonies païennes indigènes. Dans ce témoignage, l’hypocrisie et l’ambiguïté identitaire et religieuse des métis sont symboliquement représentées par le va-et-vient entre l’habit d’Espagnol et l’habit d’Indien :

son mestizos que […] ni aún leer no saben y son indignos del estado sacerdotal y algunos tan indios como los mismos indios y siguen las costumbres de sus antecesores, yendo a las borracheras en traje de indios[28].

  1. Fondées ou non, nous observons à la réaction de la Couronne que ce type d’accusations fut, comme dans l’affaire du cacicazgo, d’une efficacité considérable pour faire pencher la balance du côté des détracteurs des métis car ces arguments mettaient habilement en garde contre ce qui était le comble du paradoxe : confier la mission d’évangéliser les Indiens à des individus souffrant du même mal que ceux qu’ils étaient censés guérir. En outre, notons que dans ce cas, au-delà de la question de l’aptitude des métis au sacerdoce, les ordres mendiants utilisèrent leur mauvaise réputation pour discréditer l’ensemble des prêtres ordonnés par lesdits prélats, dans un bras de fer entre le clergé séculier et le clergé régulier où se jouait le contrôle des villages de doctrines (pueblos de doctrinas)[29]. Ajoutons, enfin, que ces critiques visaient à faire oublier l’avantage déterminant que les métis avaient en général sur eux, à savoir la maîtrise des langues indiennes, que les moines espagnols apprenaient avec les plus grandes difficultés[30], alors même que la loi de 1574 donnait la priorité dans les villages de doctrines aux religieux maîtrisant les langues locales[31].

2.3. Les encomenderos métis d’Almaguer

  1. Après la question du cacicazgo, puis celle du sacerdoce, c’est la position des métis encomenderos qui va être fragilisée par une nouvelle accusation d’hérésie, en l’occurrence à travers des pratiques de sorcellerie et d’idolâtrie. Cette accusation apparaît en 1582 dans le Memorial al Consejo de Indias de lo que toca a la provincia de Popayán[32], de l’augustin fray Jerónimo de Escobar, nommé alors protecteur d’Indiens (protector de indios) de la province de Popayán. Dans sa description de la ville d’Almaguer, fray Jerónimo de Escobar raconte avec une insistance particulière les problèmes engendrés par le comportement de la veuve métisse de l’encomendero portugais Luis Mídelos, ainsi que par celui de ses fils métis, qu’il eut par ailleurs avec d’autres femmes indiennes. Le discours d’Escobar est construit sur une gradation dans la gravité des fautes commises par cette famille de métis, partant des habituels reproches de mauvaises mœurs ou de comportements violents ou cruels, jusqu’aux accusations d’idolâtrie et de sorcellerie, toujours liées à leur supposé attachement à leur culture maternelle. Au sujet de la veuve métisse, il affirme : « una mestiza mujer cruelíssima […] tiene yndias en su casa e yndios en quien haze justicias y castigos más que si fuesen esclavos[33] ». Puis, au sujet des fils métis de Mídelos: « Luys de Midelos tiene dos hijos mestizos hijos de yndias y suyos, […] cruelísimos carnizeros contra los miserables yndios y […] es gente que vibe mal estos mestizos[34] ». Mais ensuite, Escobar les accable en évoquant des pratiques de sorcellerie, ainsi que leur tendance à « autoriser » les Indiens à pratiquer leurs rites païens en compensation des contributions matérielles qu’ils leur exigeaient :

ay proceso hecho contra ellos de que son hechizeros y que quando tienen necesidades, hacen juntar a los yndios y con amenazas les sacan los dineros diciendo que si no lo dan los azotarán y que si lo dan que ellos tienen autoridad y mando para que se emborrachen y hagan sus bailes[35].

  1. Dans la foulée, Escobar affirme que ces métis ne se contentaient pas d’autoriser ces pratiques païennes, mais qu’ils y participaient activement, dans un passage où l’on trouve à nouveau le va-et-vient entre l’accoutrement d’Espagnol et l’accoutrement d’Indien (vêtements et coiffure), va-et-vient qui représente symboliquement le double visage et l’hypocrisie des métis :

estos dos mestizos se han mezclado entre ellos muchas vezes y bailado quitado el traje despañoles con camisetas de yndios y porque los yndios traen cabello largo, se toman estos mestizos cabelleras y bailaban entre ellos[36].

  1. La description de fray Jerónimo de Escobar est un formidable condensé de toutes les idées qui gravitaient autour de la figure du métis. En plus des défauts habituels attribués aux métis, l’adjonction d’une nouvelle tare venait en quelque sorte parachever leur infamie, d’autant que la nuance qu’ajoutait le péché d’hérésie, avec la pratique de la sorcellerie (hechiceros) et de l’idolâtrie, avait pour effet de leur donner une image maléfique. Par ailleurs, la tendance d’Escobar à s’attarder presque exclusivement sur les exactions des métis, sans mentionner celles qui auraient pu avoir été commises par les autres encomenderos, répond probablement à la volonté de mettre en exergue le fait que les membres de cette catégorie sociale étaient indignes de la fonction d’encomenderos, tout en les rendant responsables des dérives de cette institution[37]. Bien que dans ce cas, les conséquences politiques directes de cette description soient très difficiles à évaluer, il est évident que sur le plan social et idéologique, cette description, qui s’inscrivait dans la continuité des affaires de don Diego et des prêtres métis, eut pour effet de consolider dans les esprits l’amalgame entre la condition de métis et le péché d’hérésie.

2.4. Luis Andrea, le mohán métis

  1. Le processus de construction idéologique et sociale de la figure du métis hérétique culmine en Nouvelle-Grenade avec l’apparition dans la chronique de fray Pedro Simón, Noticias historiales de las conquistas de Tierra Firme en las Indias Occidentales (1627), d’une description détaillée du personnage de Luis Andrea, métis de la province de Cartagena, condamné à 8 ans de galère et à la prison à perpétuité le 2 février 1614 pour s’être rendu coupable d’hérésie, d’idolâtrie et de sorcellerie, notamment à travers un pacte avec le démon, au détriment de l’évangélisation des Indiens, dix-sept ans durant. Voici ce qu’on peut lire dans le compte-rendu de son procès (relación de causas) au Tribunal de Cartagena de Indias :

Luis Andrea, mestizo, natural de Cartagena, el cual era mohán y maestro de idolatrías y tenía pacto y familiaridad con el demonio a quien adoró y dio la reverencia y le decía dios. Más de diez y siete años haciendo grandes curas y haciendo que otros idolatrasen en el pueblo de Granada que es de indios, donde residía y haciéndole al demonio grandes reverencias y sacrificios […] Fue condenado por hereje y apóstata, maestro de idolatrías[38].

  1. Comment se fait-il que le chroniqueur ait cru opportun d’intégrer à sa chronique l’histoire d’un modeste métis de Cartagena ? N’était-ce pas parce que ce cas faisait écho à une figure devenue familière dans l’imaginaire colonial, celle du métis hérétique ? Probablement[39]. Mais en outre, il semble que c’est la grande renommée de ce métis et, subséquemment, le grand bruit que fit son procès, qui amenèrent le franciscain à traiter ce cas dans sa chronique. Fray Pedro Simón affirme que « en toda la comarca de Tubará, que no son pocos pueblos, era de los más famosos Mohanes de su tiempo[40] ». Par ailleurs, les témoins ayant comparu à son procès signalent dans leur immense majorité avoir consulté le sorcier Luis Andrea en raison de sa grande renommée[41]. À ce propos, il se trouve que Luis Andrea n’était pas un simple sorcier mais qu’il avait hérité du rôle de mohán par ses liens de sang, comme l’explique Pedro Simón : « Decía, pues, el mestizo que viniéndole a él por herencia el ser Mohán de aquel pueblo[42] ». Selon Splendiani, mohán avait le sens de « brujo y curandero de una tribu indígena, [que] tenía poderes mágicos heredados de sus antepasados[43] ». Le fait que Luis Andrea fût mohán renforçait donc le préjugé selon lequel l’hérésie était inhérente aux métis, chrétiens par le père mais viscéralement attachés au culte indigène en raison de leur héritage maternel, culte dans lequel ils pouvaient être amenés, de surcroît, à exercer des fonctions prestigieuses. À travers le récit du franciscain sur Luis Andrea, le processus de diabolisation des métis atteint son apogée. En effet, sa description souligne avec insistance la connivence du métis avec le démon et l’aide que celui-ci lui apporte dans sa mission de détourner les Indiens du christianisme :

Procuró luego el Buziraco[44] acreditar su Mohán con todos los indios del pueblo y convecino, dándole y mostrándole yerbas con que les curaba de todas suertes de enfermedades […]. Buziraco le era tan familiar como lo es un grande amigo de otro, sin faltarle en ocasión de aparecérsele cuando le invocaba. […] los aparecimientos más famosos que le hacía en todo el año eran dos: la Noche de San Juan y la de la Navidad de Cristo, queriendo en estos días tan célebres hacerse estimar y que los pobres indios dejasen de acudir a los que la santa madre Iglesia les ordenaba en noches y días tan festivos[45].

  1. Ces pratiques religieuses ancestrales de Luis Andrea, décrites comme péché d’hérésie, semblent bien réelles, attestées par les documents d’archives du tribunal de Cartagena. Toutefois, sa mention dans la chronique fut non seulement une façon d’entériner un état de fait – l’enracinement de la figure du métis hérétique dans l’imaginaire collectif – mais également de la parfaire et de l’amplifier. Luis Andrea devenait ainsi une sorte d’archétype du métis hérétique, entaché de tous les facteurs aggravants et maléfiques : sorcellerie[46], idolâtrie, pacte avec le diable… Plus que jamais, l’idée d’un amalgame entre la condition de métis et celle d’hérétique devenait un lieu commun de l’imaginaire colonial. D’ailleurs, les témoignages dénonçant les pratiques hérétiques des métis sont monnaie courante tout au long du XVIIe siècle[47].
  2. En somme, les discours que nous avons étudiés indiquent l’existence d’une tendance idéologique au sein du secteur dominant de la société coloniale, qui consistait à assimiler la figure du métis à celle de l’hérétique, en s’appuyant sur l’ambiguïté culturelle et identitaire des métis. Nous allons maintenant essayer de déterminer à quel point cet amalgame était explicite et perçu de façon consciente par les différents acteurs de la société coloniale.

2.5. Vers une prise de conscience de l’amalgame métis/hérétique?

  1. Le conflit que connut le Pérou en 1577-1578 autour de la question de l’ordination des métis, comparable à celui qui se déroula en Nouvelle-Grenade vers 1576, fut l’occasion pour certains acteurs de ce conflit d’exprimer une prise de conscience de cet amalgame voulu par les détracteurs des métis. Comme en Nouvelle-Grenade, le conflit avait débuté au Pérou avec une accusation d’hérésie contre les prêtres métis, dans une lettre du chapelain (capellán) de la cathédrale de Quito au roi :

[pido] a V. Alteza que a mestizos no se les den órdenes hasta tanto que pasen algunos años y ellos entiendan tan grande misterio como es el sacerdocio, porque algunos dellos es público y notorio que estando en doctrinas por curas de los indios han bailado y emborrachádose con ellos y aún dicen que hecho ritos de gentiles[48].

  1. Dans la foulée, le 2 décembre 1578, Philippe II demanda aux prélats de la vice-royauté de Lima de ne plus ordonner de métis jusqu’à nouvel ordre, le temps d’examiner la question[49]. Les métis ainsi que leurs soutiens décidèrent de contester cette décision auprès du roi. Dans leur défense, ils clamèrent haut et fort la différence de leur situation avec celle des morisques et des judéo-convers, à qui ils avaient le sentiment d’être assimilés. Tout d’abord, en 1580, l’évêque de Cuzco, Sebastián de Lartaún, favorable à l’ordination des métis à plusieurs égards (notamment en vertu de leur connaissance des langues indigènes), écrivit au roi pour le rassurer sur le danger pour les métis de tomber dans l’hérésie, à la différence des morisques et judéo-convers : « dellos no se debe presumir lo que de confesos y moriscos porque estos tales tienen ley o secta a lo que dicen rebelada[50] ». La même année, deux procuradores métis, Hernán González et Juan Ruiz, adressent un mémoire (memorial) au Concile Provincial de Lima pour contester la décision des couvents féminins de ne plus accepter de métisses. Ils y défendent avec ardeur la loyauté de celles-ci au christianisme, qui les lave de tout péché, par opposition à la tache dont héritaient les morisques et les convers :

Pues aunque las dichas indias hubieran en algún tiempo sido infieles y de la gentilidad, la hora que vinieron en conoscimiento de la fe de Jesuchristo nuestro señor e rescibieron el santo bautismo, no quedó mácula alguna por donde sus descendientes quedasen en alguna nota o infamia, como lo quedarían los que descienden de moros o judíos conversos[51].

  1. Ces comparaisons sont pour nous des indices probants d’une prise de conscience du rapprochement entre la condition de métis et celle d’hérétique, représentée par les morisques ou les convers.

Conclusion

  1. L’étude de ces différents portraits de métis hérétiques, relevés entre le dernier tiers du XVIe siècle et le premier tiers du XVIIe, nous a permis d’apprécier l’inflexion décisive que subit l’image du métis en Nouvelle-Grenade, inflexion qui se caractérisa par l’adjonction de traits de plus en plus maléfiques, voire diaboliques. Les différentes accusations d’hérésie, plus ou moins fondées selon les cas, exploitèrent en grande partie les représentations inhérentes à la figure du métis, pour l’ériger en une sorte d’hérétique par excellence, une sorte d’individu voué à l’hérésie, en raison de sa double origine. La fusion entre ces deux figures repose en grande partie sur des affinités conceptuelles, en ce sens qu’elles renvoient aux mêmes catégories mentales, et en premier lieu, aux notions d’ambiguïté et d’entre-deux. Le métis n’est ni Espagnol, ni Indien, tout comme l’hérétique n’est ni chrétien, ni infidèle. Mais ils sont tous deux un visage déformé et perverti du premier groupe. Les métis en vinrent ainsi à occuper dans l’imaginaire colonial, de façon plus ou moins consciente, une place équivalente à celle qu’occupaient les morisques ou les conversos en Espagne. Cette analogie fut souvent exploitée par les rivaux des métis pour leur barrer l’accès à toute fonction de responsabilité, notamment vis-à-vis des Indiens.
  2. La pratique par les métis de rites païens, parallèlement à la religion chrétienne, n’est évidemment pas une pure fiction, et peut s’expliquer par les liens souvent étroits qu’ils entretenaient avec leur groupe maternel (connaissance de la langue, des coutumes, etc.), mais également par leur tendance à vouloir exploiter leur double filiation pour consolider leur position vis-à-vis de chaque groupe, comme on a pu le voir dans le cas des métis d’Almaguer, qui se revendiquaient à la fois comme Espagnols pour occuper la charge d’encomenderos, tout en utilisant leurs origines indiennes pour exercer une plus grande influence sur les Indiens. Mais lorsque l’on examine, par exemple, la fréquence des procès intentés aux métis pour des raisons liées à l’intégrité religieuse, on remarque qu’ils sont loin d’être majoritaires : les métis ne représentent que 4% de l’ensemble des condamnés par le Tribunal de l’Inquisition de Cartagena de Indias entre 1610 et 1660 et, parmi ces 17 individus, seuls sept ont été condamnés pour des péchés liés à l’hérésie (sorcellerie, idolâtrie, blasphèmes)[52]. On perçoit donc la volonté dans les discours du groupe dominant, sinon de « fabriquer » purement et simplement de l’hérésie comme dans le cas de don Diego, du moins d’exagérer et de mettre en exergue les pratiques hérétiques de certains métis pour discréditer l’ensemble du groupe, en exploitant le terrain fertile qu’ils représentaient sur le plan symbolique.

Références citées

Fonds d’archives

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Sources primaires (chroniques, documents d’archives publiés)

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Konetzke, Richard (éd.), 1953-1962, Colección de documentos para la formación social de Hispanoamérica, 1493-1810, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 4 vols.

López de Velasco, Juan, 1971, Geografía y Descripción general de las Indias, éd. de Marcos Jiménez de la Espada, Madrid, Atlas [1571-1574].

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Appareil critique

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Colmenares, Germán, 1997, Historia económica y social de Colombia. I, 1537-1719, Bogotá, Ediciones Tercer Mundo [1973].

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Notes

[1] Agrégé d’espagnol, ATER à l’Université Toulouse-Jean Jaurès, il prépare une thèse sous la direction de Patrick Lesbre sur la trajectoire sociale, culturelle et identitaire des métis de Nouvelle-Grenade aux XVIe et XVIIe siècles.

[2] Colmenares 1997, 1, p. 39. Voir Freyle 1973 [1636], p. 64 (chap. 2).

[3] A ce stade de nos recherches, nous n’en avons pas trouvé d’antérieures à celle-là.

[4] Citons tout de même les excellents travaux de Joanne Rappaport (Rappaport 2009, 2012, et 2015) et de Berta Ares Queija (Ares Queija 1997 et 2000) sur la construction de l’image des métis dans la société coloniale dans la deuxième moitié du XVIe siècle, respectivement en Nouvelle-Grenade et au Pérou.

[5] Il arriva d’ailleurs que des métis participent aux expéditions de conquête aux côtés des Espagnols. En ce qui concerne la Nouvelle-Grenade, on citera les fils métis du soldat Marcos García, qui moururent au cours de l’expédition du capitaine Lozano contre les Indiens páez en 1562 (Aguado 1916-1917 [1582], 2, pp. 746-747 ; pp. 774-775 – Tome 2, livre 16, chap. 6 et 11).

[6] Fernández de Oviedo 1851 [1535], 1, pp. 400-401 (Tome 1, livre 4, chap. 1).

[7] Bernand-Gruzinski 1993, 2, p. 40.

[8] Ares Queija 2000, p. 126.

[9] Cédula real dirigida a la Audiencia de Santafé, ordenando que se cumpla la disposición de no otorgar encomiendas a mulatos, mestizos ni a hijos naturales (27 de febrero de 1549). Archivo General de Indias de Sevilla (AGI), Audiencia de Santafé, leg. 533, lib. 1, fo 20 vo. Publiée par Friede 1955-1960, 10, p. 35 (n2092).

[10] Cédula Real (Madrid, 19 de diciembre de 1568), AGI, Audiencia de Lima 578, libro 2, f392. Publiée par Konetzke 1953-1962, 1, pp. 436-437 (no 306) ; Recopilación de Leyes de Indias, 1998, 2, p. 364 (livre 7, titre 3, loi 17).

[11] López de Velasco 1971 [1571], p. 22.

[12] Cette catégorie incluait autant les péninsulaires que les créoles.

[13] Par exemple, la cédule royale du 1 juin 1549 stipule : « mandamos que […] ningún mestizo que no sea vecino o hijo legítimo de esas dichas partes, pueda llevar indios cargados ». Real Cédula dirigida a la Audiencia del Nuevo Reino de Granada, prohibiendo cargar los indios con mercancías. Cédule similaire adressée a Cartagena (1 de junio de 1549). AGI, Audiencia de Santafé, leg. 533, lib. 1, fo 53 vo, et Indiferente General, leg. 532, lib. 1, fo 17. Pour celle de Cartagena: AGI, Audiencia de Santafé, leg. 987, lib. 2, fo 250. Publiée par Friede 1955-1960, 10, p. 85 (no 2172).

[14] Archivo Histórico Nacional de Bogotá (AHNB), Encomiendas, t. 26, fo 725 vo. Cité par Colmenares 1997, p. 447.

[15] Colmenares 1977, p. 447

[16] AGI Audiencia de Santafé. L. 38 r. 1 Doc. 18, Contaduría, L. 1301. Cité par Colmenares 1997, p. 449.

[17] Dans la tradition muisca, le cacique jouait un rôle primordial dans la célébration du culte. Cf. Colmenares 1997, p. 50.

[18] Archivo General de la Nación, Bogotá (AGN/B), Encomiendas 21, fo 404 ro. Cité par Rappaport 2009, 57. Pour les Espagnols, les termes – borracheras y bailes – désignaient les célébrations collectives à connotation religieuse des Indiens, qui se caractérisaient par des danses et par la consommation de boissons alcoolisées comme la chicha. Voir Vignaux 2005, pp. 63-65.

[19] Pour se référer aux rites indiens, don Diego parle de « rritos y ceremonias diavolicas ». AGN/B, Caciques e Indios, 37, « Proceso contra el cacicazgo de Diego de Torres », fo 369. Cité par Restrepo 2010, p. 22. Voir Rappaport 2012, p. 39.

[20] Voir Rappaport 2012, pp. 24-25 ; Restrepo 2010, pp. 19-22.

[21] AGN/B. S. Colonia, F. Encomiendas, leg. 21, fo 404 ro. Cité par Rappaport 2012, p. 42.

[22] Real Cédula : que no se nombre a ningún mestizo por cacique de pueblos de indios (Madrid, 18 janvier 1576). AGI, Santa Fe, 528, libro 1, fo 28. Publiée par Konetzke 1953-1962, 1, pp. 491-492 (no 357).

[23] Rappaport 2012, pp. 25-26.

[24] Cité par Gómez 2003, p. 658.

[25] Voir Mantilla 1984, 1, pp. 265-275.

[26] Real Cédula : que no se ordenasen personas no merecedoras de ello ni mestizos (Madrid, 18 de enero de 1576). AGI. Audiencia de Santa Fe, 528, libro 1, fo 26. Publiée par Konetzke 1953-1962, 1, p. 491 (no 356).

[27] Carta de fray Pedro de Azuaga y fray Pedro Mártir al rey Felipe II, Santafé, 9 de octubre de 1580. AGI, Santa Fe 234. Publiée par Mantilla 1984, 1, pp. 520-521.

[28] Carta del provincial franciscano fray Pedro de Azuaga al rey Felipe II (Santafé, 20 de marzo de 1583). AGI, Santa Fe 234. Publiée par Mantilla 1984, 1, p. 533.

[29] Voir Plata 2016, p. 287.

[30] Memorial del Provincial Fray Pedro Aguado al Consejo de Indias (9 de febrero de 1576). AGI, Santa Fe 234. Publié par Mantilla 1984, 1, p. 492.

[31] Mantilla 1984, 1, pp. 271-272.

[32] Escobar 1582, Memorial que da fray Gerónimo Descobar, predicador de la orden de Sant Agustín al Real Consejo de Indias de lo que toca a la provincia de Popayán. AGI, Patronato Real, 27, r. 13.

[33] Ibid., r. 13-4.

[34] Ibid.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Signalons tout de même la part de vérité qu’il pouvait y avoir dans ces affirmations. Les mauvais traitements et les abus perpétrés par les métis, qu’ils fussent ou non encomenderos, à l’encontre des Indiens firent l’objet de nombreux témoignages et furent à l’origine d’une série de lois, rarement respectées, visant à éviter les contacts entre Indiens et non-Indiens, en particulier les métis. A titre d’exemple, la cédule royale du 2 mai 1563, réitérée à 5 reprises, interdisait aux Espagnols, métis et mulâtres de vivre dans les villages d’Indiens (Recopilación de las Leyes de Indias, 1998, 2, p. 212 – livre 6, titre 3, loi 21).

[38] Relación de causas del auto de fe de Luis Andrea (2/2/1614). Archivo Histórico Nacional de Madrid , Sección Inquisición (dorénavant AHNM, Inquisición), Libro 1020, fo 15. Publiée dans Splendiani 1997, 2, p. 46.

[39] Par ailleurs, c’est l’occasion pour Simón de dénoncer les pratiques idolâtres des peuples indigènes, notamment à travers la description de la fonction de mohán, dont nous reparlerons.

[40] Simón 1882-1892 [1627], 3, p. 369 (Tome 3, 1ra Noticia, chap. 9).

[41] Relación de causas del auto de fe de Luis Andrea (2/2/1614). AHNM, Inquisición, Libro 1020, fo 18-20. Publiée dans Splendiani 1997, 2, pp. 48-49.

[42] Simón 1882-1892 [1627], 3, p. 368 (Tome 3, 1ra Noticia, chap. 8).

[43] Splendiani 1997, 4, p. 49. Au sujet de la figure du mohán, voir Bernand 1989, pp. 798 sq.

[44] Buziraco était, semble-t-il, le nom d’une divinité adorée par les Indiens de Cartagena, que fray Pedro Simón identifie comme le démon : « Llamámase el demonio Buziraco » (Simón 1882-1892 [1627], 3, p. 368 – Tome 3, 1ra Noticia, chap. 8).

[45] Simón 1882-1892 [1627], 3, p. 369 (Tome 3, 1ra Noticia, chap. 9).

[46] Remarquons qu’ici, la médecine traditionnelle indienne est considérée comme de la sorcellerie, ce qui n’est pas toujours le cas.

[47] En 1623, le gouverneur de la province de Pamplona évoque dans une lettre adressée à l’archevêque de Bogotá les « borracheras y excesos de toda clase, especialmente por parte de mestizos y mestizas », que ces derniers organisaient sous prétexte de rendre un culte aux saints, « haciendo muchas ofensas a Dios Nuestro Señor ». AHN/B, Visitas de Boyacá y Santander, T. IX, fo 255 ro-vo. Cité par Jaramillo Uribe 1972, p. 174.

[48] Carta de don Leonardo Valderrama, capellán y tesorero de la catedral de Quito (Quito, 8/I/1577). AGI, Quito 82, fo 1 vo. Cité par Ares Queija 1997, p. 49.

[49] Ares Queija 1997, p. 48.

[50] Carta del obispo Sebastián de Lartaún al rey (Cuzco, 19/IX/1580), en E. Lisson Chaves 1944, La Iglesia de España en el Perú, Sevilla, 2, p. 824. Cité par Ares Queija 1997, p. 50.

[51] AGI, Lima 126, Memorial de Hernán González y Juan Ruiz, fo 4 ro. Cité par Ares Queija 1997, p. 55.

[52] Voir les procès menés par l’Inquisition de Cartagena de Indias entre 1610 et 1660 : Archivo Histórico Nacional de Madrid, Sección Inquisición. Publié par Splendiani 1997, 4, Índice de reos; gráfico n°3. Parmi les condamnés, les Blancs sont majoritaires avec 58 %, suivis des Noirs, 16 %, des mulâtres, 12 %, des mestizos, 4 % et des zambos, 1 %.